Préfiguration de la future loi sur le financement participatif

Une réunion de présentation du financement participative a eu lieu le 4 juillet à Bercy en présence de la ministre Fleur Pellerin dans le cadre de la préparation des assises du financement participatif qui auront lieu en septembre à Bercy.

La présence d’une grande partie des acteurs de l’écosystème, plateformes de financement participatif mais  aussi organismes bancaires impliqués, associations de business angels, institution de micro finance et autres a permis de faire un tour d’horizon de la situation du secteur (les éléments présentés à la suite proviennent en partie de la présentation publique et en partie de discussions informelles avec les différents acteurs).

Le plus important est le cadre et le calendrier fixés par la ministre :

Au niveau national :

  • Proposition à fin juillet 2013 (de ce que j’en comprends, proposition réalisée par Bercy sur la base des travaux réalisés par l’AMF et ACP notamment)
  • Arbitrage à l’automne 2013
  • Projet de loi (loi d’habilitation pour des prendre des ordonnance ou loi) présenté en conseil des ministres à l’automne 2013

Au niveau européen

  • Présentation d’une position officielle de la France à destination de l’Europe en fin d’année 2013
  • S’inscrivant dans la démarche européenne, initiée par le commissaire Michel Barnier, de créer un cadre réglementaire européen (une directive « Crowdfunding Services Provider ») mais dont le calendrier est nécessairement plus long.

Les quelques thématiques qui ont été mentionnées par la ministre, et qui faisaient échos à des doléances exprimées lors des présentations préalables sont les suivantes :

  • Redéfinition du placement non garanti et notamment la création d’un statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP – semblable à un Conseiller en Investissement Financier existant) lié à une plate-forme qui permettrait d’éviter la nécessité d’acquérir le statut Prestataire de Services d’Investissement aujourd’hui requis pour les plateformes de capital et de réduire le niveau de fonds propres exigés pour démarrer l’activité.
  • Adaptation des règles de prospectus (prospectus d’information qui est obligatoire, obéit à un formalisme étendu et est visé par le régulateur aujourd’hui pour les offres de produits financier)
  • Adaptation des règles sur les services de paiement (aujourd’hui obligatoire, sauf exception, pour la collecte de l’argent selon la position du guide AMF/ACP)
  • Adaptation des règles de fourniture de services bancaires

Fleur Pellerin a insisté sur le soutien qu’elle accordait au financement participatif pour son action positive sur l’économie et sur l’emploi et l’optimisme qu’il générait pour les projets. Elle a mentionné qu’elle avait déjà soutenu sur Twitter un projet porté par un proche.

La ministre a aussi insisté sur la nécessité de garantir la protection de l’épargnant et d’éviter un scandale qui remettrait en cause l’image positive du financement participatif.

Les présentations réalisées par les plateformes étaient en nombre réduit et sur des formats courts de cinq minutes nécessitant d’aller à l’essentiel.

Les principaux points d’amélioration cités sont les suivants :

  • Babyloan a soutenu la création d’un statut reconnu de telle manière à ne pas avoir à s’appuyer sur une collection d’exemptions dispersées dans le code monétaire et financier et à devoir réitérer les actions de lobbying à chacun complément demandé de nouvelles exemptions.
  • Spear a mis l’accent sur la nécessité de rendre plus scalable son modèle qui marche bien mais qu’il voudrait étendre en ayant un accès simplifié à l’épargne. Ils présentent actuellement un prospectus simplifié pour informer les épargnants mais ce prospectus ne correspond pas à l’ensemble des obligations exigées par la réglementation. La possibilité de se conformer à la réglementation avec un prospectus simplifié faciliterait leur activité.
  • Finance Utile a mis l’accent sur la situation difficile des plates-formes de financement participatif sous forme de capital dont l’activité est fortement contrainte par la position plus ou moins récente de l’ACP et l’AMF sur le sujet. Position qui conduit à limiter fortement le champ des opérations de financement participatif notamment en termes de nombre d’investisseurs qu’il est possible de contacter (149), de possibilités d’information des investisseurs (démarchage limité au cercle restreint), et d’interdiction de l’offre publique pour les sociétés sous forme de SAS (la majorité des sociétés aujourd’hui).

Les plateformes ont conduit différents travaux pour formaliser et étayer leurs demandes d’adaptation du cadre réglementaire. Certains points sont communs et d’autres sont spécifiques à chacun des instruments de financement utilisés. De ce fait, deux documents de synthèses ont été produits ciblés sur :

  • Les plateformes de capital
  • Les plateformes de contrepartie / prêt (solidaire ou rémunéré)

Le premier «PME FINANCE – Etablissement Européen de Financement Participatif – Mai 2013» a été réalisé au sein de l’association « PME Finance ». Il traite essentiellement des points du capital et des titres : démarchage, placement, réception-transmission d’ordre, statut pour réaliser ces opérations.

Le second «Propositions réglementaires pour favoriser le financement participatif_FPF_2013-07» a été réalisé au sein du groupe correspondant de l’Association Financement Participatif France (à laquelle appartiennent par ailleurs aussi la plupart des plateformes de capital). Il traite essentiellement des points de la collecte (statut d’établissement de monnaie électronique), de la reconnaissance du rôle d’intermédiaire et de l’autorisation explicite des opérations liées et de l’extension des situations de financement autorisées dans le Code Monétaire et Financier.

Ces documents sont des documents intermédiaires destinés à alimenter le processus d’échange et de convergence entre les différents acteurs et notamment les régulateurs AMF et ACP et le Trésor et le Ministère (j’avoue qu’il est très compliqué de comprendre le processus d’élaboration législatif eu égard au peu de transparence et la complexité des relations entre les acteurs).

Les plateformes de don pur sont peu impliquées dans l’évolution du contexte réglementaire car elles ne réalisent pas d’opérations financières à proprement parler et ne commercialisent pas de produits financiers et sont donc hors du champ du Code Monétaire et Financier.

Les plates-formes de contrepartie sont partiellement concernées parce qu’elles collectent de manière conditionnelle de l’argent et mettent en œuvre différentes modalités d’affectation de cet argent. S’il s’agit de dons avec une contrepartie symbolique non inassimilable à une à une contrepartie réelle, il s’agit d’un don non requalifiable et donc sans enjeu. Si la contrepartie est un produit, il s’agit d’un préachat et, dans ce cas, il s’agit d’une vente de produits (ce qui inclut le versement de la TVA) et le traitement est aussi relativement simple. Mais la collecte, la conservation et le reversement de l’argent posent néanmoins un problème de statut. S’il s’agit de préfinancement avec des conditions de reversement par exemple sur des projets artistiques culturels, la situation est plus complexe à traiter et gagnerait à être intégrée dans un futur statut de plateforme de financement participatif.

La création d’un statut spécifique d’Etablissement de Financement Participatif apparait nécessaire car :

  • Il correspond à une posture « culturelle » du régulateur qui ne reconnaît que les activités caractérisées dans la loi dans la tradition du droit objectif français.
  • La transversalité et la diversité par rapport à la réglementation des opérations de financement participatif rend très difficile leur appréhension par le régulateur. La création d’un statut permet une meilleure visibilité et une meilleure compréhension de l’ensemble des composantes d’activité du financement participatif et des exemptions éventuelles qui leur sont rattachées.

Ce statut devrait permettre en outre de définir ce qu’est une activité de financement participatif de telle manière à éviter des détournements éventuels du financement participatif pour réaliser des opérations de financement plus traditionnel en s’exemptant des règles qui leur sont attachées.

Les principales composantes de ce statut sont les suivantes :

  • La possibilité de présenter les projets sur Internet en satisfaisant les obligations d’information de droit commun mais sans risquer d’être requalifié en distribution et démarchage de produits financiers (ce qui n’est pas le cas).
  • La possibilité de collecter, conserver sur un compte ségrégué et affecter les sommes collectées ainsi que gérer les éventuels flux financiers de retour sans avoir à acquérir un statut de opérateur de monnaie électronique ou prestataire de services d’investissement.
  • La possibilité de collecter les demandes financement de la part des financeurs et de les valider ou de les annuler en fonction des règles du processus de financement défini par la plate-forme.
  • La possibilité de réaliser les opérations de montage des financements au nom des financeurs comme les opérations de structurations juridiques ou de représentation auprès des tiers en ayant délégation des financeurs.

Ces capacités sont celles nécessaires à toute plateforme de financement participatif que ce soit en don, en contrepartie, en prêt solidaire, en prêt rémunéré en capital ou en titres.

Par contre, ce statut et ces capacités sont indépendante des supports de financement pour lesquels, chacune des plateformes demande des adaptations ou des extensions d’exemption.

Les principales demandes sont les suivantes pour le prêt (pour le capital voir le document de PME Finance) :

  • La possibilité pour une entreprise de financer sous forme de prêts solidaires des projets (ce qui est interdit aujourd’hui en France – réservé à des particuliers mais pas à des entreprises).
  • La possibilité pour des particuliers de financer sous forme de prêts participatifs des entreprises (ce qui est interdit aujourd’hui en France – réservé à des entreprises ou des associations uniquement mais pas des particuliers)
  • La possibilité pour des particuliers de réaliser des prêts solidaire et des prêts pour  la création, le développement et la reprise d’entreprises
  • L’autorisation pour les banques d’effectuer des prêts en financement participatif (c’est un additif personnel applicable au cas de FriendsClear. Normalement cette possibilité est autorisée par la loi cependant le régulateur a montré dans le cas de FriendsClear qu’il n’était pas favorable à ce qu’une banque réalise les opérations de financement participatif. Il s’agirait là d’une simple explicitation et réaffirmation de la loi excluant toute interprétation créative).

En terme d’avancement des travaux :

  • L’AMF a avancé ses réflexion sur une statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP – semblable à un Conseiller en Investissement Financier existant) lié à une plate-forme qui serait autorisé à faire de la réception-transmission d’ordre et qui permettrait d’éviter la nécessité d’acquérir le statut.
  • Aucune avancé ou information par contre du côté de l’ACP sur le sujet.

Pour plus d’information, je vous renvoie sur l’espace collaboratif du « Livre Blanc Finance Participative 2013, Plaidoyer et propositions pour un nouveau cadre réglementaire« .

 

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