Réunion avec le régulateur pour l’ouverture du marché du crowdfunding en octobre 2014

Une réunion avec les régulateurs (AMF, ACPR et ORIAS) a eu lieu à l’initiative de l’association des plateformes Financement Participatif France dont fait partie PretPME.fr le 17 juillet 2014. Elle portait plus spécifiquement sur l’acquisition des statuts prévus par la loi pour les plateformes (IFP – Intermédiaire en Financement Participatif pour le prêt – optionnel pour le don – et CIP – Conseiller en Investissement Participatif pour le capital).

Les options retenues sont très différentes entre l’IFP et le CIP.

Le CIP fait l’objet d’un dossier préliminaire très complet déposé à l’AMF qui couvre la plupart des points d’un dossier d’agrément (processus, contractuel, commissionnement, information des clients, schéma des opérations, compétences professionnelles, règles d’organisation et de bonne conduite, copies d’écran du site, etc….) et cela avant toute inscription à l’ORIAS qui ne fait qu’enteriner le dossier AMF. La rédaction de ce dossier pouvant prendre un certain temps (2 mois de durée théorique au dépôt du dossier complet à l’AMF – c’est à dire après un certain nombre d’aller-retours préalables plus la durée d’instruction de l’ORIAS de 2 mois de durée théorique et 2-3 semaines en pratique), il semble impossible en l’état de tenir le délai de l’ouverture du marché au 1er octobre 2014. Et comme le dit Nathalie Lemaire de l’AMF « Vous êtes tous hors la loi avant le 1er octobre ».

L’AMF conseille d’ailleurs de le démarrer tout de suite (c’est à dire avant publication des décrets) et organisera une permanence tout l’été avec un interlocuteur dédié pour les plateformes. Il est même possible de déposer un dossier dès maintenant en avance de phase avant une clause de « révision » lorsque le décret sera publié (à l’encontre du principe que tout ce qui est communiqué est engageant et opposable).

Pour les IFP, la procédure est plus standard et se limite à un dépôt de dossier à l’ORIAS. Comme le dit Fabrice Pesin de l’ACPR  « on ne vous demande rien au niveau de l’ACPR mais on contrôle a posteriori ». Tout le monde peut s’inscrire, il n’y a pas de dossier comme à l’ACP ou d’agrément par contre l’IFP est contrôlé comme tous les intermédiaires inscrits à l’ORIAS et notamment dans son respect des règles des décrets d’application.

Le dossier ORIAS comprend :

  • Des conditions d’honorabilité pour les mandataires sociaux (non condamnation sur des faits de gestion)
  • Des conditions de diplôme pour les mandataires sociaux. Un diplôme de finance-gestion niveau II (licence ou master) sera exigé (voir le site www.cncp.gouv.fr pour en vérifier la validité classification NSF 313), une expérience professionnelle bancaire ou crédit de 2 ans comme cadre ou 4 ans comme non cadre dans les 5 dernières années ou la gestion d’une plateforme existante, ou une formation de 80 heures (dont les modalités et organismes dispensateurs ne sont pas connus à ce stade).
  • Une couverture par une assurance responsabilité professionnelle (obligatoire à partir de juillet 2016)

Le dossier ORIAS IFP sera disponible sur le site de l’ORIAS à partir du 1er octobre. La durée maximum d’instruction est de 2 mois en pratique elle est plutôt de 15 jours mais au démarrage, il faudra compter plus 3-4 semaines.

Au final, la première date d’ouverture du marché pour les IFP sera plutôt au 1er novembre 2014.

Quelques sujets complémentaires ont été abordés lors de la réunion :

– La date de « toute fin juillet » est maintenue pour la publication des décrets qui sont actuellement en conseil d’état.

– Le seuil de 1000€ d’exposition maximum par prêteur pour les prêts rémunérés ne sera pas modifié mais le seuil pour les prêts non rémunéré sera porté à 4000€. On ne comprend pas très bien le rationnel sous-jacent à cette évolution.

– Les statuts de CIP et IFP sont exclusifs. Ils ne sont pas compatibles avec d’autres  activités notamment intermédiaires en assurance ou banque (IOBSP) ou distributeurs d’autres produits financier ou de placement qui risqueraient d’induire une confusion dans l’esprit des clients. Notamment la même personne morale ne peut être à la fois CIF et CIP. Et si une plate forme prétend faire les deux métiers sous des formes différentes (un CIP est obligatoirement une personne morale ; un CIF peut être une personne physique), les conditions se cumulent : c’est à dire que l’AMF vérifiera que l’une des activités n’est pas une coquille vide (des ressources doivent lui être spécifiquement affectées et non mutualisées).

– Des changements de statut pourront être nécessaire (par exemple pour les Conseiller en Investissement Financier en CIP). Il pourra aussi être nécessaire d’adapter le code NAF des plateformes en intermédiaire financier (66.22 Z) et intégrer le statut de CIP ou IFP dans l’objet social de la société.

– La durée maximum des prêts sera limitée à 7 ans. Ce sont uniquement des prêts à taux fixe et amortissables.

– La nécessité de recourir à un Etablissement de Paiement (EP), Etablissement de Monnaie Electronique (EME), respectivement comme agent de paiement ou distributeur de monnaie électronique ou un Etablissement de Crédit (mais il n’y a pas d’offre à ce jour) a été réaffirmée pour l’encaissement pour compte de tiers. Ce sujet n’est pas limité aux plateformes de crowdfunding puisque cette règle s’applique à tous ceux qui font de l’encaissement pour compte de tiers et notamment les marketplaces.

– Le lobbying des associations de consommateur a fait introduire dans le décret une clause pour mettre à disposition un outil permettant d’évaluer le montant maximum prêtable en fonction du profil de revenu de l’utilisateur. Il s’agit d’un dispositif déclaratif sans obligation de conseil (au sens MIFID), comme il en existe par exemple sur les sites de jeu en ligne. Cette clause ne porte pas pour les CIP qui sont déjà astreint au contrôle de l’adéquation du profil de l’investisseur par rapport à son investissement (les « 2 questions » mentionnées dans les textes).

– Un échange (assez récurrent) a eu lieu sur la possibilité de faire appel à des prêteurs ou emprunteurs étrangers. Comme il a été rappelé, le domaine de compétence de l’ACPR c’est uniquement le préteur ou l’emprunteur français. La répression du préteur/emprunteur étranger revient au régulateur étranger du pays d’origine. Le seul point critique, la lutte anti-blanchiment est localisée dans l’Etablissement de Paiement sur lequel s’appuie l’IFP et celui-ci est passeportable.  On peut donc  accueillir un client belge sur une plateforme française, à tout le moins sous l’angle anti-blanchiment (la question reste ouverte à l’ACPR).

– En terme d’information du prêteur pour les plateforme IFP, il sera nécessaire dans le décret de détailler :

  • La politique de sélection du risque conduite
  • L’affichage du taux de défaillance mensuel des prêts dès le départ
    • En nombre et en montant
    • En capital restant
    • Sur 3 ans glissants

– Ont aussi été évoqués :

  • La question de la clause d’exclusivité à demander aux porteurs de projets par rapport à la plateforme (interdire de présenter le projet sur plusieurs plateforme ce qui détourne l’esprit – mais pas la lettre – de la loi).
  • L’accès aux fichier FIBEN, FICOBA, FICP et FCC
  • Le régime allégé d’Etablissement de Paiement avec la règle de la comptabilisation des flux « divisés par 2″ ou « divisé par 4″ selon l’interprétation du schéma des flux dans le cas d’un prêt (versement des prêteurs, versement à l’emprunteur, remboursement de l’emprunteur, reversement aux prêteurs).
  • Le statut fiscal de l’IFP, notamment par rapport à l’exemption de TVA de ses activités, et ses obligations de déclaration et de pré-compte fiscaux.
  • La fiscalité applicable aux prêteurs. A aujourd’hui les prêteurs ne dispose d’aucune exonération fiscale au titre de leur investissement en prêt dans une PME. La période n’étant pas propice à la création ou à l’extension des niches fiscales, il y a peu de chance que cela évolue à court terme. Par contre, la déductibilité des pertes éventuelles enregistrées sur un prêt par rapport au revenu tiré d’un autre a été mentionné comme un principe de calcul qui pourrait être entériné dans la règle fiscale a relativement court terme.

Remarque : La présente version de ce billet a été modifiée et enrichie par rapport à sa version initiale à la suite des remarques réalisées par Benoit Granger, en charge de la déontologie au sein de l’association Financement Participatif France.