Publication au JO de l’ordonnance sur le financement participatif

L’ordonnance aboutissement d’un (pas si) long chemin

L’ordonnance sur le financement participatif a été publiée au Journal Officiel JORF n°0125 du 31 mai 2014 page 9075.

C’est l’aboutissement d’un cheminement, finalement pas si long que cela en comparaison législative :

– Le « Manifeste pour un nouveau cadre législatif favorisant le financement participatif » a été lancé le 28 janvier 2012 au BarCampBankParis7 sous l’impulsion de Frédéric Baud.

– Cela faisait suite à la création d’un collectif Digital4ChangeFinance qui avait été initié par Olivier Maurel de Danone Communities (qui est toujours la meilleure source d’information sur le sujet).

– Cela a été suivi par un événement « La finance participative interpelle les candidats » à la Bourse le 26 mars 2012 grâce à FriendsClear au cours duquel a été lancée une pétition en faveur du financement participatif.

– Le Medef s’est engagé très tôt dans le soutien au crowdfunding par le biais de sa présidente Laurence Parisot et l’action d’Eric Ingargiola.

– Un livre blanc « Finance participative Plaidoyer et proposition pour un nouveau cadre réglementaire » a été publié ensuite le 24 juin 2012 par le collectif finpart.

– L’association Financement Participatif France qui regroupe les plateformes a été crée le 12 septembre 2012 avec une action motrice de François Carbone qui en a assuré la présidence fondatrice.

– Il faut aussi saluer le travail d’évangélisation effectué par André Jaunay et Thierry Chevalier de Compinnov avec le Tour de France du Financement Participatif notamment à Limoges le 11 octobre 2012.

– Le sujet a été introduit auprès des pouvoirs publics lors des Assises de l’Entrepreneuriat qui ont eu lieux de novembre 2012 à mi-2013 dans la Thématique « Proposer de nouvelles sources de financement pour les entreprises » en la personne de Thierry Merquiol.

– 2013 a été une année de lobbying auprès de Bercy, des régulateurs ACPR et AMF (par exemple les 4 juillet 2013 et 17 juillet 2013 après avoir fait le point de la réglementation dans leur guide du crowdfunding), des parlementaires de l’Assemblé Nationale et du Sénat et de l’écosystème. Cela a donné lieu à la publication d’une 2eme version du livre blanc avec la contribution notable de Hubert de Vauplane.

– Le processus a débouché par l’annonce du futur cadre réglementaire du financement participatif et d’un processus de consultation publique aux Assises du financement participatif le 30 septembre 2013 par Fleur Pellerin la ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie Numérique.

– La loi d’habilitation pour traiter le sujet par ordonnances a été votée le 2 janvier 2014.

– Le nouveau cadre réglementaire du financement participatif finalisé à la suite a été présenté par Fleur Pellerin  le 14 février 2014 lors de la conférence « Faire de la France le pays pionnier du Financement Participatif » à Bercy.

– Arnaud Montebourg, Ministre de l’Economie, du Redressement Productif et du Numérique, a confirmé à la  Fête du Crowdfunding le 17 mai 2014, la publication de l’ordonnance suite au conseil des ministres du 28 mai 2014.

Merci à toutes les autres personnes qui ont contribué à ce mouvement, en particulier Florence de Maupeou de Babyloan qui était dans toutes les réunions, et toutes celles que je n’ai pas cité.

Quel est le contenu de l’ordonnance ?

Pour rappel, Les évolutions principales du cadre juridique sont les suivantes pour chacun des instruments de financement :

Avant Après
Don
    • Création d’un statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (non obligatoire)
    • Adossement à un Etablissement de Paiement (EP) ou une banque (EC) pour la gestion des fonds pour compte de tiers
Prêt rémunéré
    • Statut d’Etablissement de Crédit nécessaire
    • Interdiction du prêt pour les particuliers
    • Création d’un statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP)
    • Autorisation du prêt par les particuliers pour les projet jusqu’à 1M€
    • Contribution individuelle maximum de 1000€ par projet
    • Adossement à un EP/EC pour la gestion des fonds
    • Obligation d’information et de transparence des plateformes
Capital
    • Statut de Prestataire de Service d’Investissement nécessaire
    • Seuils du cercle restreint (100K€ ou 150 personnes)
    • Prospectus (200 pages) au-delà des seuils
    • Uniquement pour les SA
    • Démarchage et communication d’offre très strictement encadrés
    • Création d’un statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP)
    • Seuil porté à 1M€
    • Pas de seuil investisseur sur l’investissement en capital
    • Autorisé aux SAS
    • Prospectus simplifié (quelques pages)
    • Adossement à un EP/EC ou PSI pour la gestion des fonds
    • Démarchage et modèle de rémunération au pourcentage autorisé dans le cadre fixé par l’AMF

Les principaux points du texte de l’ordonnance sont les suivants :

Conseiller en Investissement Participatif (CIP)

Les CIP sont des personnes morales dont l’activité est menée au moyen d’un site internet.

Les CIP peuvent être IFP mais ils ne peuvent pas être Etablissement de Paiement (EP).

Cette restriction ne s’applique pas aux Prestataires de Services d’Investissement (PSI) qui peuvent CIP en plus des agréments qu’ils possèdent déjà (ils peuvent donc être EP).

L’agrément des CIP inclut :

– Conditions de diplôme

– Adhésion à une association pro agrée par l’AMF (comme les Conseiller en Investissement Financier CIF). Aucune association professionnelle des CIP agrée par l’AMF n’existe actuellement. En l’absence d’association (comme ce sera le cas au début), les CIP sont agrées individuellement par l’AMF.

– Assurance professionnelle. Celle-ci n’est n’est obligatoire qu’à partir du 1er juillet 2016 (le temps que les assureurs construisent des contrats adaptés à l’activité)

– L’inscription se fait sur le registre de l’ORIAS

Les CIP sont assujettis aux règles de non conflit d’intérêt et de connaissance client au sens MIFID.

Ils ne bénéficient pas du passeport européen.

Régime prudentiel allégé des établissements de paiement (« petit EP »)

Le régime prudentiel allégé des établissements de paiement (« petit EP ») est mis en place avec l’ordonnance.

Intermédiaire en Financement Participatif

L’intermédiation en financement participatif consiste à mettre en relation, au moyen d’un site internet, les porteurs d’un projet déterminé et les personnes finançant ce projet (Art. L. 548-1.)

Une dérogation au monopole bancaire est introduite pour les personne physique uniquement (les personnes morales ne peuvent pas prêter) pour prêter à :

« 1° Les personnes morales et les personnes physiques agissant à des fins professionnelles

2° Les personnes physiques souhaitant financer une formation initiale ou continue. »

Le prêt doit être à taux fixe et pas variable. Le taux doit respecter le taux d’usure. Cela ne concerne que les prêts pour la formation comme le précise les articles L313-3 du code de la consommation « Les dispositions du présent article et celles des articles L. 313-4 à L. 313-6 ne sont pas applicables aux prêts accordés à une personne physique agissant pour ses besoins professionnels ou à une personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale. » et Art. L. 548-6 de l’ordonnance « 10° S’assurer que le taux des crédits proposés aux personnes physiques souhaitant financer une formation initiale ou continue mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 548-1 ou, le cas échéant, aux personnes morales concernées est inférieur au taux mentionné à l’article L. 313-3 du code de la consommation ; »

Les caractéristiques des prêts sont fixées par décret notamment durée maximale et surtout le montant maximal  (1 M€ annoncé).

Le statut d’IFP concerne toutes les opérations de financement participatif (prêt, prêts sans intérêt, don) :

– Projets professionnels : prêt, prêt sans intérêt ou don

– Formations : prêt, prêt sans intérêt ou don

– Projets non professionnels : prêt sans intérêt ou don

–  Projets d’insertion (Associations sans but lucratif et aux fondations reconnues d’utilité publique accordant sur ressources propres et sur ressources empruntées des prêts pour la création, le développement et la reprise d’entreprises dont l’effectif salarié ne dépasse pas un seuil fixé par décret ou pour la réalisation de projets d’insertion par des personnes physiques (ADIE)) :  prêt sans intérêt ou don.

« Les personnes qui ne proposent que des opérations de dons peuvent être intermédiaires en financement participatif », ce qui sous entend surtout qu’elles peuvent être exonérées de ce statut.

Le porteur de projet est responsable des informations fournies.

Le statut d’IFP est compatible avec les statuts d’EC (Etablissement de Crédit), société de financement, Etablissement de P aiement ou CIP et lorsqu’elle est exercée à titre accessoire, elle est cumulable avec l’activité d’intermédiaire en assurance. Ce qui veut dire que les IFP à titre principal ne peuvent pas distribuer des assurances à leurs emprunteurs.

L’agrément des IFP inclut :

– Conditions de diplôme

– Assurance professionnelle. Celle-ci n’est n’est obligatoire qu’à partir du 1er juillet 2016 (le temps que les assureurs construisent des contrats adaptés à l’activité)

– L’inscription se fait sur le registre de l’ORIAS

– Pas d’adhésion à une association professionnelle agrée par l’ACPR.

Les IFP doivent fournir les informations suivantes sur leur site internet :

« 1° Fournir au public, de manière lisible et compréhensible, toute information permettant d’être identifié et contacté ;
« 2° Informer le public des conditions de sélection des projets et des porteurs de projet ;
« 3° Publier un rapport annuel d’activité ;
« 4° Fournir aux prêteurs ou donateurs les informations concernant les caractéristiques du projet et, le cas échéant, du prêt concerné s’agissant en particulier du taux d’intérêt applicable, du montant total du crédit, de la durée du prêt, de ses modalités et conditions de remboursement ainsi que de l’existence ou non d’une faculté de rétractation du prêteur ;
« 5° Mettre en garde les prêteurs sur les risques liés au financement participatif de projet, notamment les risques de défaillance de l’emprunteur, et des porteurs de projets sur les risques d’un endettement excessif ;
« 6° Mettre à disposition des prêteurs les outils permettant d’évaluer le montant du prêt envisageable compte tenu de leurs revenus et charges ainsi que les éléments pertinents leur permettant d’apprécier la viabilité économique du projet, en particulier le plan d’affaires ;
« 7° Fournir aux porteurs de projet et aux prêteurs ou donateurs les informations concernant la rémunération de l’intermédiaire en financement participatif ainsi que l’ensemble des frais exigés ;
« 8° Fournir aux porteurs de projet et aux prêteurs ou, le cas échéant, aux donateurs, un contrat type permettant de formaliser les conditions du financement dont les modalités de présentation et les mentions obligatoires sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
« 9° Fournir aux porteurs de projet un document synthétique comportant le montant total de l’opération et, le cas échéant, le taux conventionnel, la durée du prêt, ses modalités de remboursement ainsi que son coût total ;
« 10° S’assurer que le taux des crédits proposés aux personnes physiques souhaitant financer une formation initiale ou continue mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 548-1 ou, le cas échéant, aux personnes morales concernées est inférieur au taux mentionné à l’article L. 313-3 du code de la consommation ;
« 11° Définir et organiser les modalités de suivi des opérations de financement et la gestion des opérations jusqu’à leur terme, y compris dans le cas où l’intermédiaire en financement participatif cesse son activité.
« La publicité relative à leur activité, dès lors qu’elle indique un taux d’intérêt ou des informations chiffrées liées à l’opération de financement, les mentionne de façon claire, précise et visible.

Les IFP dispose de l’accès au fichier des entreprises de la Banque de France FIBEN pour les IFP de prêt rémunéré

Les IFP sont soumis à une cotisation ACPR entre 100€ et 300€

Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er octobre 2014.

Prêt PME, la plateforme de financement participatif dédiée au PME dont je suis un des fondateurs avec Frédéric Baud, sera le premier IFP à être lancé sur le marché le 30 septembre 2014 au soir.