Modèles media sur internet

Suivant l’adage « le pire c’est de laisser indifférent, après on peut toujours remonter la pente », de nombreuses voix annoncent « la mort des medias » avec internet. La relève serait assurée

par le journalisme citoyen dont le grand précurseur Ohmynews a fait son slogan « Every Citizen is a Reporter ». Cette tendance s’illustre notamment en France avec des sites comme Agoravox et Youvox. Elle serait extensible au delà de la presse; YouTube et DailyMotion seraient le futur de la télévision (le rapprochement a commencé avec Wat (Watcast) de TF1 et VideoClick développé avec AB Groupe).

Jean-François Fogel et Bruno Patino expliquent dans leur livre « Une presse sans Gutenberg » en reprenant les termes de McLuhan que les possibilités d’échange de contenu de tous à tous nous ramènent à « l’espace acoustique » (l’univers de l’oralité) précédant l’avenement du media fixé sur un support et duplicable qui a donné naissance au « village global ». Le media concurrencé dans son rôle de producteur de contenu se voit remis en question dans son rôle « d’unificateur de masse ». Point interessant, cela induit une remise en cause de la nature du droit d’auteur (concommittant de l’invention de l’imprimerie) au profit d’une conception plus compatible avec des pratiques de copie / enrichissement…en usage chez les moines copistes (qui ne connaissaient pas le droit d’auteur).

Passé l’accroche de reveil intellectuel, la question est plutôt : comment va se réorganiser l’ecosystème résultant ?

La clé réside dans la capacité à attirer des annonceurs pour tirer partie de l’audience générée et cela n’a rien d’une relation automatique.

3 modèles peuvent être distingués :

– Editorial

– Media participatif

– Pur « User Generated Content » (UGC)

Que l’on peut décrire comme suit :

Modèle Editorial Media participatif Pur « User Generated Content »
Sources des contenus Equipe éditoriale Contributions UGC managées UGC
Organisation des contenus Ligne éditoriale Ligne éditoriale Pas de ligne éditoriale

(« most popular »)

Qualification de l’audience Audience qualifiée Audience qualifiable Audience non qualifiée
Liens annonceurs Liens annonceurs Pas de liens annonceurs Pas de liens annonceurs

La force du modèle éditorial réside dans sa capacité à construire et à qualifier une audience qu’il peut ensuite valoriser au mieux en développant des liens avec les annonceurs. Il est le plus à même de qualifier une audience pour un annonceur et lui offrir les meilleures conditions d’exposition de ses contenus publicitaires. Le media peut « construire » un support pour l’annonceur.

A l’inverse, le modèle « Pur UGC » même s’il génére une audience importante, n’offre pas de bonnes conditions d’insertion pour les annonceurs; la qualification de l’audience est faible, la relation d’implication liée au contenu ne peut être « construite » et les conditions d’exposition des publicités ne sont pas maîtrisables (notamment de ne pas être associé à certains contenus « dévalorisateurs »).

La capacité de monétisation découle assez naturellement de ces constats :

– Le Monde, illustration du modèle éditorial, affiche 14-15 M€ de chiffre d’affaires pour environ 2,5 M de visiteurs uniques par mois en étant rentable (source : Bruno Patino, directeur du Monde Interactif dans « La presse magazine à l’aube de profond bouleversements » Le Monde 25 avril 2007- Audience Mediametrie janvier 2007)

– MySpace et You Tube, illustration du modèle UGC, affichent respectivement 90 M$ de chiffre d’affaires pour environ 50 M de visiteurs uniques par mois et 15 M$ de chiffre d’affaires pour environ 20 M de visiteurs uniques par mois en étant déficitaires (sources : Morgan StanleyPaidContent,Journal du Net)

Pour le modèle éditorial, la règle serait « les premiers emportent la mise ». Ce modèle nécessite un investissement initial pour construire le contenu et l’audience mais une fois le point mort franchi, la rentabilité est bien supérieure à celle d’un media « papier ».

Pour le modèle UGC, la règle serait plutôt « Low revenue, Low cost » avec une équation économique constamment à équilibrer notamment du fait des coûts engendrés par l’hébergement video.

Je n’ai pas développé le modèle intermédiaire du media collaboratif car, hors cas d’espèce Ohmynews, il s’agit d’un modèle encore en gestation avec peu de retour d’expérience.

Et, hors de ces modèles types, il existe d’autres possibilités d’hybridation extrêment intéressantes à développer, par exemple l’intégration du « user generated content » dans le modèle éditorial.