Le gouvernement veut adapter la réglementation pour permettre le financement participatif

Fleur Pellerin, ministre chargée des PME, a annoncé en ouverture des Assises de l’Entrepreneuriat que le gouvernement veut adapter la réglementation pour permettre le financement participatif (crowdfunding). Comme l’indique L’Express « Le gouvernement compte « regarder dans le cadre du groupe de travail sur le financement quels pourraient être les verrous réglementaires à faire sauter pour faciliter ce type de financements », a précisé Mme Pellerin en allusion à un des neuf groupes de réflexion des Assises de l’entrepreneuriat. Ces Assises lancées le 14 janvier doivent pendant trois mois se pencher sur neuf questions précises qui feront l’objet de quatre propositions chacune. « Ce groupe de travail collabore avec l’AMF (Autorité des marchés financiers, ndlr) en particulier pour examiner toutes les manières dont on pourrait appliquer une réglementation un peu allégée à ce type de financement participatif », a expliqué ensuite la ministre devant quelques journalistes. »

En cela, le gouvernement marche dans les traces de l’administration Obama qui a promulgué une loi (le « Crowdfunding Act » dans le cadre du JOBS (Jump Our Business Startup) Act) pour légaliser et faciliter le crowdfunding aux USA.

Les deux principales mesures de cette loi sont :

  • La création d’un nouveau critère d’exemption  des contraintes réglementaires de marché (émission d’un prospectus, contrôle complet des investisseurs et anti-blanchiment, acquisition d’un statut réglementé pour collecter et conserver l’argent et assurer le placement) lorsque le montant cumulé      annuel investi est inférieur à 2000$ par investisseur (ou 5% de ses revenus)
  • Création d’un statut de « funding portal » (courtier en financement participatif) enregistré auprès des autorités de tutelle et régulé par une association professionnelle.

 L’association Financement Participatif France qui regroupe les acteurs français du crowdfunding est représentée à ces assises (par Thierry Merquiol de Wiseed) et a réalisé un travail de synthèse d’identification de l’ensemble des points « frictionnels » de la réglementation et des propositions de solution (notamment grâce au travail de Fréderic Baud de FundMyMedicalResearch).

Ce document de synthèse est partagé sur Slideshare « Finance Participative et cadre réglementaire »

 

Pour plus de détails sur les problèmes posés par le crowdfunding dans la réglementation française, je vous renvoie à l’article « Réglementation du crowdfunding en France« .

Comme indiqué dans l’article, la réglementation n’est pas la seule en cause. L’interprétation qu’en fait le régulateur et la manière dont il transcrit cette interprétation posent aussi problème (et notamment il est très éloigné de l’approche « pragmatique » adopté par le régulateur anglais le FSA qui a rendu plusieurs décisions sur le sujet récemment).

Pour être un peu caricatural (mais cela a une vertu très pédagogique)  l’approche du régulateur français peut se résumer comme suit :

  • Nous savons que la réglementation française actuelle n’est pas adapté au financement participatif
  • Nous ne créerons néanmoins pas de nouvelle catégorie pour le financement participatif
  • Le financement participatif doit s’intégrer dans une catégorie existante de la réglementation
  • Si vous vous interrogez  sur la catégorie à choisir, prenez par défaut la plus contraignante
  • Si vous n’êtes pas d’accord, nous vous poursuivrons devant les tribunaux même s’il est probable que ceux-ci ne nous donnent pas raison car il est aussi probable que vous n’aurez pas la capacité à attendre qu’un jugement soit rendu en votre faveur.

Petite illustration de cet état de fait avec le placement (je pourrai aussi évoquer le cautionnement).

L’AMF a produit récemment (juillet 2012) une note « Position AMF n° 2012-08 – Placement et commercialisation d’instruments financiers » qui précise les conditions de l’intermédiation entre une entreprise (un projet) à financer et un investisseur.

Un intermédiaire (courtier ou « broker ») est un agent qui met en relation les vendeurs et les acheteurs en mutualisant leurs demandes, en leur fournissant de l’information, des conseils et  toutes les prestations nécessaires à la réalisation de la transaction (par exemple identification des parties, formalisation des conditions d’accord,…).

Généralement, on distingue les opérations de gré à gré, réalisées en direct par les parties et bénéficiant d’une grande liberté de contractualisation (la relation directe étant censé protéger les parties) et les opérations de marché qui s’effectuent sur des produits aux conditions « packagées » qui nécessitent un encadrement légal (obligation d’information, de non conflit d’intérêt, de transparence, de traçabilité,…).

Il n’est néanmoins pas toujours facile de caractériser la nature des opérations et des acteurs. Un site de petites annonces (de ventes ou prises de participations d’entreprise)  a toutes les caractéristiques d’un produit de marché mais les transactions sont débouclées en gré à gré, de même un échange entre investisseurs institutionnels au sein d’un très organisé « dark pool » est une opération de gré à gré.

La position de l’AMF sur ce point est que toute opération de mise en relation entre une entreprise et des investisseurs via un intermédiaire (typiquement une plateforme de financement participatif) implique des opérations de  « Réception et Transmission d’Ordre » (RTO) et un « Placement non garanti ». L’exécution de ces deux types d’opération n’étant autorisées que pour les acteurs ayant un statut de « Prestataire de Service d’Investissement » (PSI), nécessitant un agrément auprès de l’AMF.

2 conditions sont posées pour caractériser l’opération :

  • Un service rendu à l’émetteur (l’entreprise recherchant un financement)
  • Une recherche directe ou indirecte de souscripteurs (les investisseurs).

Cette position s’applique  à toutes les situations sans condition d’exemption pour :

  • Les opérations de financement en « cercle restreint »
  • Les investisseurs qualifiés.

Seuls sont exonérés la commercialisation des produits des « Organismes de Placement Collectifs » (OPCVM, FCP,…) qui sont des « solutions d’épargne » et non des produits de placement d’émetteurs.

Il est précisé dans le texte que les acteurs ayant le statut de PSI peuvent mandater des « distributeurs » qui n’ont pas à être agrées pour démarcher les clients investisseurs à leur place mais « N’agissant pas ici pour le compte de l’émetteur ou du cédant d’instruments financiers ».

La compatibilité de ce texte avec un service de financement participatif même associé à un PSI me parait faible car il est difficile d’envisager une plateforme qui ne ferait que démarcher des investisseurs sans avoir le droit d’entrer en relation avec eux, sans parler de celui d’être rémunéré par les entreprises qui voudraient se financer. Et cela d’autant plus que la simple mise à disposition des informations du service sur internet est toujours considéré comme du démarchage.

Le coté kafkaïen de la chose, c’est que cette extension de l’interprétation touche aussi un grand nombre d’acteurs qui ne pensaient pas être concernés précédemment.  Les cabinets de recherche de fonds pour les entreprises, les VCs qui investissent souvent en « pool », les business angels qui sont regroupés en association et même les notaires se retrouvent exercer illégalement l’activité de RTO/placement (pour les notaires c’est théorique, ils disposent d’un statut « super joker » qui les exonère de toutes les contraintes réglementaires habituelles). D’ailleurs certains ont eu la surprise de recevoir un courrier du régulateur…

Finissons sur une note optimiste puisque Benoit Hamon, ministre délégué à la consommation, a visité les locaux de Prêt d’Union, spécialiste du prêts entre particuliers pour les prêts à la consommation et y a annoncé que la loi sur le crédit à la consommation qui sortira à l’été 2013 intégrera la mise en place d’un fichier positif pour lutter contre le surendettement (et accessoirement favoriser la transparence et la concurrence sur le marché) à l’échéance de fin 2014 compte tenu de l’ampleur du projet. Je ne peux que soutenir cette démarche (voir mon article « Revue et réponses aux arguments contre le fichier positif« ) et ce malgré l’opposition des banques en place.

 

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