Annonces par Fleur Pellerin et consultation publique sur le nouveau cadre juridique du financement participatif

Après avoir reçu le Livre Blanc de l’Association Financement Participatif France, Fleur Pellerin a clôturé les Assises du Financement Participatif à Bercy  par l’annonce du nouveau cadre juridique du financement participatif.

Les mesures sont en ligne avec les préconisations effectuées par le groupe de travail commun ACPR/AMF réuni sous l’égide du Trésor.

Le texte va faire l’objet d’une consultation publique qui pourra aboutir à certains amendements avant d’être publié sous forme d’ordonnance (prévue dans la loi de simplification des entreprises en cours de vote au parlement en ce moment). Il entrera en application avant début de l’année  prochaine 2014.

La consultation publique est ouverte pour 6 semaines (date de clôture 15 novembre 2013). Le texte est consultable en ligne sur le site de l’ACPR et téléchargeable sur le site de l’AMF (page source ici) (chacun son style !) ainsi que sur le site du Trésor (qui chapeaute la consultation).

Les commentaires doivent être adressés par mail aux adresses de réponses suivantes :

  • Sur les Propositions de modifications législatives et réglementaires
    • Création du statut de conseiller en investissements participatifs (CIP)
    • Assouplissement du monopole bancaire
    • Création d’un régime prudentiel dérogatoire pour certains établissements de paiement
    • Adaptation du régime et du périmètre des offres au public de titres financiers réalisées dans le cadre du financement participatif

Les commentaires doivent être adressés à l’adresse de la consultation au Ministère de l’économie et des finances : hcp@dgtresor.gouv.fr

  • Sur les Propositions de modifications du Règlement général de l’AMF
    • Définition d’une nouvelle limite propre aux offres au public réalisées via une plate-forme internet de financement participatif
    • Information à la charge des émetteurs dans le cadre du financement participatif
    • Informations à la charge des plates-formes internet, ayant le statut de PSI ou de CIP, dans le cadre du financement participatif
    • Définition des obligations professionnelles à la charge des CIP et des conditions d’agrément des associations professionnelles

Les commentaires doivent être adressés à l’adresse de la consultation AMF : directiondelacommunication@amf-france.org

Sur les Propositions de doctrine de l’ACPR et de l’AMF relative au service placement non garanti

Les commentaires doivent être adressés à l’adresse de la consultation AMF ou ACPR :

  • ACPR : financement-participatif@acpr.banque-france.fr
  • AMF : directiondelacommunication@amf-france.org

 

Des discussions sur la consultation se déroulent sur le Google Group « Digital4Change« . N’hésitez pas à le joindre et à contribuer et surtout n’hésitez pas à envoyer vos commentaires aux adresses de retour de la consultation.

 

Les principaux points du texte sont les suivants :

(une infographie de synthèse des principaux points est présente sur le blog d’Anaxago)

  •  Propositions de modifications législatives et réglementaires
    • Création du statut de conseiller en investissements participatifs (CIP)
      • Le CIP donne un cadre légal à l’exercice de l’intermédiation en financement participatif sous forme de capital et de titre. Le statut, inspiré du Conseil en Investissement Financier, est relativement facilement accessible et implique une immatriculation auprès du régulateur. Il procure des conditions de compétence (diplômes requis), une garantie d’assurance et une régulation de la profession via une inscription obligatoire à une association professionnelle encadrée par l’ACPR.
      • A contrario, les CIP ne peuvent pas collecter d’argent et leur statut est exclusif de tout autre (notamment IOBSP ou Etablissement de paiement -EP). Ils ne peuvent donc pas s’adjoindre un EP pour réaliser la collecte ou réaliser des opérations de financement hybrides (capital+dette auprès d’un établissement bancaire). Ils doivent donc s’appuyer sur un prestataire de service d’investissement (PSI) existant pour réaliser la collecte.
    • Assouplissement du monopole bancaire
      • Une nouvelle exemption au monopole bancaire est ajoutée concernant la possibilité pour des particuliers de réaliser des prêts dans le cadre de financements participatifs à destination de particuliers ou d’entreprises.
      • Un prêt participatif est défini comme accordé par un minimum de 20 personnes avec un montant total maximum par personne et par projet de 250€ (mais pas de restriction sur le nombre total de projets finançables en cumulé dans l’année) et un montant total par projet de 300K€.
      • Le nombre minimal de personnes et le montant maximum par personne par projet semblent faire double emploi. S’il s’agit d’éviter le développement d’une activité de prêt dans un cercle restreint ou une activité de prêt de type usurier, le seuil de 250€ semble suffisant (ou alors c’est uniquement usurier en micro-prêt).
      • Le seuil de 20 personnes garantie un « financement par la foule » mais a contrario il limite la capacité de faire des micro-prêts. En dessous de 500€ soit 20 pers * 25€, cela parait impossible d’autant plus que le montant moyen par personne étant plutôt de 50€ le montant minimum du projet doit être de 1000€. C’est préjudiciable pour des services comme Babyloan dont les projets peuvent être de 200€ et ne compter que quelques prêteurs. Le seuil minimum de projet est même de 5000€ si les prêteurs sont à la borne maximum de 250€ (20*250€).
      • Le seuil de 250€ limite lui dans les conditions actuelles le montant maximum des prêts projets. Actuellement les services de prêts rémunérés comprennent des nombres moyens de prêteurs par projet qui s’échelonnent de 25 à 250 prêteurs. Cela correspond à des montants de prêts projet de 6.250€ à 62.500€. C’est un segment appréciable de marché avec notamment les prêts aux TPE et petites entreprises mais qui ne couvre pas les montants généralement nécessaire pour les PME (de 75K€ à 250K€ voire plus). Pour atteindre le montant maximum de prêt projet (300K€), cela nécessite avec le montant maximum par prêteur (250€) d’avoir 1200 prêteurs. Autrement dit il faut une communauté active et récurrente de prêteurs très importante ce qui ne peut pas être atteint au démarrage par une startup. Le terrain de jeu est néanmoins appréciable.
      • L’absence de montant maximum cumulé par an par prêteur (comme cela existe dans le JOB Act US) permet de développer une communauté de prêteurs actifs et récurrents. Le seuil de 250€ par projet force les prêteurs à manifester leur engagement à  chaque nouveau projet et les protège ainsi d’une exposition inconsidérée de leur surface financière.
      • Le tableau ci-dessous illustre le lien entre seuils et types de financement réalisés :

      • A titre de comparaison les législations étrangères fixent les seuils suivants (investissement en capital)
        • JOBS Act US
          • Montant maximum du projet : 1 M$
          • Montant cumulé par investisseur / an revenu <100.000$: 2.000 $ ou 5% du revenu
          • Montant cumulé par investisseur / an revenu >100.000$: 10% du revenu
        • US Wisconsin (loi par état pour accélérer la mise en place du Job Act qui est une loi fédérale)
          • Montant maximum du projet : 2 M$
        • US New Jersey
          • Montant maximum du projet : 1 M$
          • Montant cumulé par investisseur / an : 5.000 $
        • Canada
          • Montant maximum du projet : 1,5 M$
          • Montant maximum par investisseur par projet : 2.500 $
          • Montant cumulé par investisseur / an (sur plusieurs projets) : 10.000 $
    • Création d’un régime prudentiel dérogatoire pour certains établissements de paiement
      • Il s’agit de la transcription en droit français du régime du « Small Payment Institution » (petit établissement de paiement) qui permet des conditions d’accès au statut allégée pour un volume d’opérations limité (à savoir 3M€ de montants traités par mois en moyenne sur 12 mois). Ce régime est un régime transitoire dédié aux startups en démarrage dont la plupart ne réussiront pas à atteindre ce volume et, pour celles qui atteindraient ce volume, leur donneront le temps de solliciter le statut d’établissement de paiement de plein exercice.
      • Le statut d’établissement de paiement permet de collecter et de conserver des fonds avant attribution des financements aux projets dans les opérations de financement participatif. Il s’applique au opérations de financement en don et prêt mais pas au opérations en capital dont la collecte est réservée au statut de Prestataire de Service d’Investissement (PSI).
    • Adaptation du régime et du périmètre des offres au public de titres financiers réalisées dans le cadre du financement participatif
      • Un régime particulier aménageable par le régulateur (l’AMF) est institué pour les offres effectuées via une plateforme sur internet
  • Sur les Propositions de modifications du Règlement général de l’AMF
    • Définition d’une nouvelle limite propre aux offres au public réalisées via une plate-forme internet de financement participatif
      • Le seuil actuel d’exemption à l’offre publique de titres financiers (OPTF) fixé à 100K€ est porté à 300K€. Ce régime permet de s’exonérer d’une demande d’autorisation de l’opération à l’AMF et de la rédaction d’un prospectus (d’une centaine de pages).
      • Le montant de 300K€ permet d’adresser le « funding gap » du financement en capital estimé entre 250K€ et 2,5 M€. La plupart des levées de fonds s’échelonnent de 250K€ à 500K€ voire 750K€. Ce seuil ne couvre donc que très partiellement le besoin du marché par le financement participatif.
    • Information à la charge des émetteurs dans le cadre du financement participatif
      • Cela crée un « prospectus simplifié » pour les plateforme de financement participatif en capital permettant de garantir une information minimum de l’investisseur et correspondant à une demande des acteurs.
    • Informations à la charge des plates-formes internet, ayant le statut de PSI ou de CIP, dans le cadre du financement participatif
      • Cela formalise une obligation d’information des investisseurs pour les plateformes internet ayant le statut de PSI. Peu d’impact au final pour une obligation qui était déja plus ou moins préexistante.
    • Définition des obligations professionnelles à la charge des CIP et des conditions d’agrément des associations professionnelles
      • Ces points portent sur l’organisation de la profession et notamment via le rattachement à une association professionnelle qui devrait être crée par les acteurs du secteur selon toute vraisemblance (avec une possible fragmentation de la représentation des acteurs entre capital et don et prêt).

Sur les Propositions de doctrine de l’ACPR et de l’AMF relative au service placement non garanti

  •  Cette partie de doctrine permet d’aménager la position précédente du régulateur très extensive sur la notion de placement et qui conduisait à interdire toutes activités aux plateformes de financement participatif, voire au delà au business angels, aux VC et aux intermédiaires du financement des startups et activités de croissance. Le régulateur fixe des conditions dans lesquelles les plateformes sont considérées comme ne fournissant pas le service de « placement non garanti » et peuvent exercer leur activité dans un cadre juridique sécurisé sans nécessiter un statut de haut niveau.
  • Un point de doctrine non évoqué mais qui devrait découler du précédent est la possibilité pour les plateformes de financement participatif d’opter pour le statut de PSI-RTO (Reception Transmission d’Ordre) collecte, plus accessible en terme de capitaux propres,  pour pouvoir exercer et collecter l’argent en s’exemptant du statut de PSI Placement non garanti beaucoup moins accessible.

Un point important mais non couvert par le texte est l’impossibilité pour les sociétés en statut de SAS de réaliser des opérations de levée de fonds ouvertes à des investisseurs extérieurs même dans les conditions d’exemption de l’OPTF (en cercle restreint) et cela alors que la majorité des sociétés sont dans ce statut (et non celui de SA réservé aux seules grandes entreprises).

Pour terminer, j’en profite pour vous recommander deux synthèses juridiques très bien faites de Reid Feldman et Hubert de Vauplane du cabinet Kramer Levin :

Le financement participatif -législation européenne et américaine

– Les questions que doit se poser une plateforme de financement participatif avant de se lancer