J’avais déjà présenté dans un précédent post ma vision de l’évolution des mobiles :
- Les mobiles vont devenir des ordinateurs – ce qu’ils ne sont pas actuellement – et cela va radicalement changer les usages, la chaîne de valeur et l’écosystème qui leur sont liés.
- Cela va se traduire par :
- L’adoption du modèle de l’ordinateur qui privilégie le développement « quick & dirty » d’une profusion de services et d’applications s’appuyant sur un modèle de programmation de haut niveau (abstrait des caractéristiques du device) et facilement diffusable indépendamment du device et de l’opérateur.
- Une nouvelle génération de processeurs plus puissants et plus complets car la contrepartie de ce modèle de développements est la faible optimisation des ressources matérielles au bénéfice de la facilité, de la rapidité et de la souplesse de développement. La prise en charge par le processeur des fonctions spécialisées (graphisme HD, 3D, décodage-encodage video, GPS,…) s’inscrit dans cette tendance.
- Dans cette perspective, un autre point important est la virtualisation du système d’exploitation du mobile de telle manière à séparer la partie téléphonique (qui nécessite un niveau de service supérieur) de la partie applicative (dont le niveau de service ne pourra que se dégrader avec la sophistication croissante des applications). Et cela nécessite à la fois, là encore, des processeurs plus puissants et un système d’exploitation qui en tire parti.
- On l’a bien compris, cela entraîne une nouvelle génération de système d’exploitation (de plus haut niveau abstrait du device, virtualisé et exploitant les nouvelles possibilités offertes par les nouveaux devices mobiles notamment en terme d’interactivité utilisateur (multitouch, interface haptique, accélérométre,…).
- Une nouvelle génération d’applications « riches » avec des possibilités d’interaction utilisateurs et d’intelligence fonctionnelle beaucoup plus avancées. Apple a montré tout le potentiel des applications riches sur mobile une fois le problème de la distribution pris en charge avec l’AppStore (les premières applications ont été téléchargées à 1 millions d’exemplaires lors des 3 premières semaines)
- Rappelons que précédemment l’initialisation de l’application était considérée comme la principale barrière à l’usage (ce qui est par ailleurs tout à fait justifié, l’initialisation présentant un degré de facilité similaire à celle du téléchargement d’un morceau de musique protégé quelques années en arrière). D’où la mécanique lourde d’initialisation ou de pré-initialisation des applications par les fabricants de mobile ou les opérateurs. Le problème, c’est que les fabricants et les opérateurs ne savent pas quelles sont les applications qui vont marcher et dont ont besoin les utilisateurs. L’existence d’un mécanisme de distribution est donc un préalable au développement des usages.
A ce titre, Apple a ouvert la route avec l’iPhone et a été au plus loin de ce que l’on peut faire actuellement avec les technologies disponibles en terme d’intégration, de design, et de marketing des usages.
Mais cela va très bientôt devenir insuffisant car l’iPhone pêche par manque :
- De processeurs plus puissants : avec l’iPhone 3G, Apple est clairement en limite d’arbitrage entre fonctionnalité et autonomie. Ne pas pouvoir tenir une journée complète en charge constitue une contrainte très forte d’usage.
- De virtualisation du système d’exploitation : là encore une contrainte très forte s’exerce sur les applications iPhone car on ne peut en exécuter qu’une seule à la fois en mode natif et non en tâche de fond (pour contrôler le niveau de service du device a priori).
- D’ouverture aux applications internet riches (RIA) tel que Flash ou Silverlight. Ces applications combinent le meilleur des deux mondes :
- La richesse, la puissance, la facilité de développement et de maintenabilité des applications traditionnelles « desktop » « client riche » compilées
- La facilité de déploiement et de mise à jour des applications internet du fait de leur exécution dans une page web dans un navigateur ou un « containeur » multi-navigateurs (Internet Explorer, Firefox, Safari) et multi-OS (Windows, Mac et Linux)
- Avec en prime, le support natif d’interactivité et de media riches (effet de transition, intégration de vidéos et photos, déformation des textures, mapping vidéo sur des formes, intégration d’élément d’intéractivité dans les medias,…).
Et cela arrive notamment avec la puce APX2500 de nVidia dédiée aux mobiles, Windows Mobile 7 et Silverlight Mobile.
Le problème est exactement le même pour les set top box, les boitiers d’accès à internet multi-services distribués par les fournisseurs d’accès internet (Livebox d’Orange, Free box, Neuf box,…) :
- Aujourd’hui ce sont des boitiers construits sur des architectures spécifiques liés à des fournisseurs spécifiques (Thomson en tête) et spécifiques à chaque opérateur.
- Ces boitiers embarquent de plus en plus de services (magnétoscope numérique, stockage de vidéos ou photos, redistribution du flux vidéo, lecture et affichage sur la TV de contenus media stockés sur ordinateur, VOD, catch-up TV, TV personnalisée, services d’interactivité sur la TV,…) sans compter les services complémentaires pouvant tirer partie de l’ intégration dans l’environnement domestique : vidéosurveillance, suivi des consommations d’énergie, services domotiques,…
- Ces services sont développés sur une couche de présentation basée sur un navigateur simplifié avec un langage HTML spécialisée et exploitant les fonctions des composants matériels intégrés dans la box.
- On est très loin du modèle de développement de l’ordinateur et on comprend aisément les limitations des services ainsi développés, notamment en terme d’indigence de l’interface utilisateur et de manque d’évolutivité. Adobe a beaucoup travaillé à porter le modèle de développement de flash sur les set top box actuelles. Mais, de l’aveu de l’opérateur le plus avancé en France sur le sujet, sans pouvoir jamais présenter un développement portable d’une box à l’autre. Tant que les box n’auront pas des architectures d’ordinateurs et n’adopteront pas le modèle de développement des ordinateurs, elles n’en procureront pas les bénéfices.
- Notons, dans ce domaine, l’initiative commune d’Orange, Thomson et Sagem qui se sont regroupés dans la société Soft At Home pour développer un « middleware » commun aux box destiné à « faciliter le déploiement et l’interopérabilité des équipements numériques dans la maison et à permettre d’y adjoindre des services enrichis et innovants »…avec derrière la volonté d’Orange de développer un « ecosystème » autour de la Livebox. Mais si la set top box devient un ordinateur, la question se posera différemment (voire plus du tout).
- Et, comme sur les mobiles, l’évolution commencera par les processeurs. Et justement, les premiers processeurs dédiés à ce type d’application arrivent chez Intel. Il s’agit de Tolapai mais surtout de Canmore et de son successeur Sodaville.
- Et la encore, une nouvelle génération de puces pour une nouvelle génération de systèmes d’exploitation (des RIA à la Flash ou Silverlight exécutés dans les navigateurs des box) et une nouvelle génération d’applications. Le temps de renouvellement des box étant nettement supérieur au taux de renouvellement des mobiles, il faudra malheureusement patienter un peu plus longtemps.