Les bonnes recettes de Dailymotion

J’ai assisté, le 9 juillet dernier, au Club Telecom et Media des Anciens d’Arthur Andersen, à une présentation, organisée par Henri Tcheng et animée par Nicolas Reffait chez BearingPoint, de Martin Rogard, Directeur France de Dailymotion. Présentation très claire, complète et transparente, appuyée par des métriques précises et des réponses franches aux questions (ce qui mérite d’être rapporté).

La conclusion générale que j’en retiens, c’est que Dailymotion a maintenant une vision claire des bonnes recettes à mettre en place et Martin a fait passer sa conviction qu’ils étaient en train de réussir à les mettre en œuvre.

 

Quels sont ces bonnes recettes ?

  • Avoir un bon produit et continuer à l’améliorer (en terme d’expérience utilisateur, de couverture de nouveaux besoins notamment en syndication ou de nouveaux canaux (Facebook, iPhone) – cf la partie « Outils » sur la home -)
  • Qualifier l’audience générée avec un modèle d’éditorialisation des contenus, de filtrage et d’organisation des contributeurs clés et de construction d’un mix avec des contenus légaux redistribués (une sorte de « bouquet » de « creative content » et « official content »)
  • Valoriser l’audience ainsi qualifiée en construisant une offre peu réplicable en terme de volume d’inventaire (le « winner takes all ». Dailymotion affirme être un des seul à pouvoir absorber une campagne de 2 M d’impressions) et d’adaptation du produit (régie commerciale et studio de création intégrés permettant de proposer des formats à la fois innovants et adaptés aux spécificités du site).
  • Jouer l’évolution du marché avec une position permettant de tirer le meilleur partie de la migration en cours d’une fraction de plus en plus grande des annonceurs sur le web ainsi que du basculement de la télévision sur internet.
  • Maîtriser les coûts et notamment la bande passante en s’assurant de bénéficier au maximum des économies d’échelle liées aux niveaux d’audience atteints (la « secret sauce »).

 

Quelques précisions sur ces points :

  • Le modèle de contribution distingue trois types d’acteur :
    • Fournisseurs de contenu officiel (« official content »)
      • Accord avec des Majors
      • Contenus importants en nombre (catalogue) générant une audience importante
      • Publicité associée aux contenus
      • Accords de reversement de revenus publicitaires
    • Fournisseurs de contenus créatifs (« creative content »)
      • Motion Maker
        • Contributeur original (pas de droit sur les contenus)
        • Contributeur entrant dans une catégorie éditoriale
        • Contributeur clé (contributions récurrentes, créativité artistique,…) en nombre restreint par rapport aux contributeurs standards
        • Bénéfices associés : promotion éditoriale, video sans limitation d’upload (longue durée, encodage HD)
        • Publicité associée aux contenus
        • Pas de reversement publicitaire
        • Contenus insuffisamment important en nombre pour générer à titre individuel suffisamment d’audience pour rendre les mécanismes de reversement intéressant (multitude de micro-reversement à gérer)
        • Echec des services de video contributive à reversement vers les contributeurs (Metacafe,…)
        • Rémunération complémentaire des Motion Makers avec des créations video publicitaires pour des annonceurs
      • Contributeur standard
        • Contributeur original (pas de droit sur les contenus)
        • Limitation d’upload (150 Mo / 20 mn)
        • Pas de publicité associée aux contenus
  • Le modèle media est clairement affiché : il s’agit de générer le maximum d’audience, « d’occuper le terrain » sans forcement avoir de modèle de monétisation sur chaque segment, à tout le moins à court terme. Par exemple avec :
    • Hébergement de videos personnelles
    • Déport du player Dailymotion sur des sites tiers (Blogs, Mairie de Paris, Le Monde, Nouvel Obs,…)
    • IPTV : Accord avec Neuf sur la mise à disposition des contenus Dailymotion sur un canal de télévision (a contrario la TV Perso de Free ne semble pas être une réussite faute d’une base suffisamment développées de contributeurs de qualité)
    • Mobile : Intégration de l’accès à Dailymotion dans les offres opérateurs avec parfois (mais apparemment non systématiquement) des accord de reversement de publicité (exemple avec SFR)
    • Television : Intégration de Dailymotion dans les télévisions Sony Bravia (dans un bouquet ouvert de services web).

 

  • Les moyens de valorisation de l’audience :
    • Commercialisation de la Home pour des opérations de promotions (10 M de Visiteurs Uniques)
    • Commercialisation de publicité display sur les espaces éditorialisés qualifiés (avec un CPM à 4-5 € très élevé mais les chiffres donnés par ailleurs sont souvent des ratios globaux sur l’ensemble de l’audience alors que seule une part est valorisée) (CPM = Coût Pour Mille (impressions))
    • Commercialisation de publicité video sur les espaces éditorialisés qualifiés (CPM aux environs de 25 €)
    • Liens sponsorisés (en complément ?)

 

  • Le paysage concurrenciel :
    • Orange : un concurrent qui a une vision, des ambitions dans le domaine des contenus et une audience internet
    • France Télévision : un concurrent parce que c’est déjà le leader des contenus videos legaux sur internet et, avec la fin de la publicité, il ne va plus être ralenti par la traditionnelle réticence stratégique des chaînes TV qui hésitent à développer largement internet pour protéger leur audience TV existante. Cette situation n’est que transitoire. M6 avec son service de TV de rattrapage (Catchup TV) M6Replay a montré le potentiel de la complémentarité et de la promotion cross-channel TV-internet. Delinearisation des contenus et complémentarités cross-channel vont suivre chez tous les acteurs.
    • Même si les chaînes TV portent toutes leurs contenus « premium » de manière exclusive sur le web, il semble difficile qu’elle puissent rattraper en audience Dailymotion à court ou moyen terme. Les Majors américaines ont essayé avec Hulu mais l’audience ne suit pas et ne permet pas de se comparer à YouTube. Autant distribuer les contenus premium sur les agrégateurs de contenus et d’audience que sont devenus YouTube et Dailymotion.
    • Ceux qui ne peuvent pas se passer de Dailymotion ce sont les « petits » créateurs de contenus premium (de type Le Monde, Nouvel Obs, la presse en général et notamment la presse locale, les petits studios, les maisons de productions,…). Pour valoriser leur production et leur catalogue, il n’y a pas d’alternative à un d’agrégateur d’audience pour eux. Il y a aussi des offres payantes (VODEO, INA) mais le potentiel de la monétisation publicitaire apparaît comme supérieur.

 

  • La maîtrise des coûts de production :
    • Dailymotion affirme disposer d’une infrastructure de diffusion video internet qui lui permet d’absorber dans des conditions économiques toute augmentation du nombre de video uploadées et diffusées.
    • Cela est du notamment au fait que l’infrastructure est dimensionnée pour les pics d’activité (80 Go/s délivré en pic de bande passante à 19h en France). Le développement de l’activité des pays étrangers comme les USA pourrait être largement multipliée sans modification de l’infrastructure en en exploitant une meilleure répartition.
    • Dailymotion déclare avoir développé un avantage compétitif en terme d’infrastructure (accord de peering, CDN Limelight-,…) qui lui permet de maintenir un coût unitaire inférieur en faisant jouer au mieux les économies d’échelles (la « secret sauce ») et notamment en consommation de bande passante.
    • L’équipe technique infrastructure est d’ailleurs la plus importante avec environ 40 personnes.

Et pour finir, une dernière annonce : l’équilibre est attendu en 2009.