J’ai achete un iPhone mais ce n’est pas gagne pour Apple pour autant

Cela devait finir par arriver. J’ai même résisté pendant longtemps. Je viens de remplacer mon « vieux » HTC Cruise sous Windows mobile par un iPhone 4. Rien de très original, même Mini-Microsoft, le célèbre bloggueur de Microsoft « canal historique » m’avait précédé sur ce point.

Ce qui est plus surprenant c’est que plus de 3 ans après la sortie du 1er iPhone (présenté le 9 janvier 2007 et commercialisé le 29 juin 2007 aux USA), la concurrence ne me propose aucune alternative réellement à niveau.

J’étais dans un magasin SFR « Le Studio » à la Madeleine à fin juillet avant le 1er weekend d’aout, j’aurai pu obtenir « le dernier iPhone du mois disponible sur Paris » (dixit) et une autre cliente derrière moi m’a proposé de racheter ma place dans la file d’attente ! Cela donne un aperçu de l’addiction des utilisateurs qui ne s’est pas émoussée après plus de 3 ans et 50 millions d’iPhones vendus (chiffre annoncé par Steve Jobs au lancement de l’iPhone 4 en avril 2010).

Si je reviens en arrière, sur ce que j’ai successivement possédé :

  • J’ai d’abord eu un Palm Pilot qui m’a permis de me débarrasser de mon agenda et de mon répertoire papier. C’était fantastique d’avoir pour la première fois toutes mes informations disponibles au bout des doigts emportables et consultables.
  • Ensuite je suis passé sur un Palm V beaucoup plus fin et design mais dont les fonctionnalités n’avaient absolument pas évoluées . Cela a profondément dégradé ma perception et mon attachement pour Palm qui n’avait rien fait pour suivre mes besoins.
  • Cela m’a conduit logiquement a évoluer vers un iPaq sous Windows CE qui m’apportait notamment la couleur (Palm était resté en noir et blanc) et la synchronisation avec Outlook (calendrier et contact). Ce que je faisais dans mon iPaq se retrouvait dans mon PC sous Outlook et vice-versa et je pouvais même synchroniser mon PC personnel et mon PC professionnel par son intermédiaire (avancée très significative !).
  • Vers cette époque, j’ai acquis mon premier téléphone mobile (un gros Motorola qui déformait la poche de ma veste et dont je ne fais pas grand cas) mais téléphone mobile et « Personal Digital Assistant » n’avaient rien à voir les uns avec les autres à cette époque là.
  • Nokia en sortant le modèle 6110 a fait toute la différence (léger, stylé, autonomie, rapide, fiable, ergonomie d’utilisation) et j’ai conservé cette appréciation par la suite. Cela a aussi été la 1ere tentative d’établir un pont entre mobile et PC car il avait une connexion PC-mobile. J’ai réalisé une tentative de synchronisation avec mes contacts Outlook qui a été un échec car elle s’effectuait en mode « poubelle » (je me retrouvais avec des contacts en vrac et pour beaucoup dupliqués plusieurs fois). Apparemment la gestion de contacts n’a pas beaucoup progressé, bien que tous les constructeurs y compris Apple aient intégré ActiveSync, car j’entends toujours parler de problèmes de synchronisation de contacts (et n’étant pas sur Mac et ne disposant pas de la gestion de contacts intégrée Mac, je peux dire que si vous n’êtes pas dans un scénario standard de synchronisation de contact sur iPhone, ce n’est pas du tout “sans couture”).
  • J’ai eu plusieurs mobiles à la suite dans le cadre de contrats flotte mais uniquement dédiés à la voix et toujours avec des capacités de synchronisation toutes aussi indigentes.
  • C’est Orange qui a sorti en 2002 ce que je considère comme le 1er véritable smartphone, leSPV (produit par HTC) avec la première version de Windows Mobile avec notamment la synchronisation PC et l’intégration de la messagerie (mais aussi des capacités multimedia alors innovantes).
  • J’ai attendu la sortie du HTC TyTN dotés d’un certain nombres d’avancées (wifi, édition de documents Office, messagerie en push,…) et d’un écran confortable pour me débarrasser de mon PDA et ne plus conserver qu’un seul mobile-PDA.
  • Je suis passé ensuite sur le HTC Cruise car il était plus fin que le TyTN et bénéficiait d’un GPS auto intégré et d’une interface tactile « TouchFLO » pilotable avec un doigt.

Aujourd’hui mon HTC Cruise qui faisait figure de bête de guerre apparait complètement dépassé :

  • Son navigateur internet peut à peine porter ce nom. Il est incapable de restituer correctement les sites courants actuels, gère très mal le positionnement et les déplacements sur l’écran et ne supporte pas tout un ensemble de fonctionnalités devenues très répandues sur le web.
  • L’installation d’application y est difficile. Il y a les fameux fichiers “.cab” qui vous demandent où ils faut les installer (sans que l’on n’ait aucun élément pour faire un choix), qui nécessitent parfois plusieurs installation pour fonctionner et qui peuvent se désinstaller ou cesser de fonctionner parfois sans que l’on sache pourquoi. Ce sont des problèmes qui ne sont pas nécessairement liés à l’OS mais Apple a montré que l’expérience d’utilisation allait jusqu’à la mise à disposition d’une marketplace, la fixation des préconisations techniques standardisées et le contrôle des applications distribuées.
  • Il faut y abandonner toute velléité d’upgrade de l’OS. J’en ai fait l’expérience avec le TyTN et je la déconseille fortement. Sans compter le coté très technique de la chose, j’ai du procéder à plusieurs réinstallation successives pour re-stabiliser l’OS. C’est une des grandes forces de Windows d’assurer une compatibilité ascendante de l’OS sur PC. Cela n’est assurément pas interprété de la même manière par Windows Mobile alors que les évolutions d’iOS sont pour le moins fluides.
  • Il y a des petits détails pénibles qui deviennent rédhibitoires quand on les compare à un iPhone :
    • l’absence de verrouillage de l’interface quand on a l’appareil à l’oreille (combien de fois suis-je involontairement passé en « mode avion » par toucher auriculaire)
    • l’absence de gestion automatique de l’éclairage en plein soleil (mon mobile était inutilisable sur une piste de ski).

Pourtant HTC avait fait un effort tout à fait louable en rajoutant une sur-interface « TouchFLO » (devenue “Sense” sur les versions suivantes) sur Windows Mobile pour piloter l’interface au doigt (le fait que le constructeur le plus impliqué avec Microsoft ait été obligé de développer une sur-interface était en soi un indicateur d’alerte du décrochage de Windows Mobile). Mais là encore la comparaison est sans appel : la fluidité et le perfectionnisme de l’ergonomie utilisateur sont inégalés chez Apple et cela d’autant plus si l’on considère l’intégration des services additionnels comme iTune ou l’AppStore.

Pour la petite histoire, tout n’est néanmoins pas parfait dans le meilleur des mondes car je suis parti en vacances sans prendre le temps d’initialiser mon iPhone, me disant que je pourrai faire cela en mode « always connected ». Mais dans la réalité ce n’est pas tout à fait ça et j’ai du rechercher un hotspot wifi payant pour télécharger les 90 Mo du iTune 9.2 à 70 Ko/s, pré-requis obligatoire pour initialiser son iPhone, et ensuite j’en ai repris pour à peu près la même chose avec la mise à jour géante de sécurité de l’iOS4. Sans compter mes quelques autres soucis de récupération de données et de contacts…

Au final, au-delà du fait que l’iPhone est très beau produit qui a un attrait en propre, ce qui détermine mon choix ce sont les applications. Les (rares) applications que j’utilisais sur mon HTC Cruise sont bien meilleures à tous points de vue sur iPhone, d’autres applications comme Foursquare ou le client de notre CRM Highrise (développé par un tiers) n’étaient pas disponibles sur Windows Mobile et surtout je sais que toutes les applications dont j’aurai besoin dans le futur seront disponibles sur iPhone en priorité.

Pour revenir sur la concurrence ou plutôt sur l’étonnante absence de concurrence, il faut comprendre que l’iPhone n’est pas seulement un mobile et que ce n’est donc pas seulement une affaire de constructeur.

Si on considère Android, l’OS mobile de Google et le challenger n°1 de iOS, il réunit :

  • Un système d’exploitation en constante évolution, soutenu par les ressources de Google, système ouvert capitalisant les développements tiers, mais aussi permissif pour permettre aux fabricants de conserver les spécificités de leurs implémentations propres. Cela lui assure un fort déploiement au sein des constructeurs de mobiles.
  • Un écosystème de développeurs et une infrastructure à leur service (mise à disposition des outils de développement, support de la communauté, certification et distribution des applications dans une marketplace, solution de monétisation des applications) qui permet d’offrir un nombre important et suffisant d’application pour satisfaire les besoins des utilisateurs
  • Une infrastructure de service qui permet de livrer non pas des mobiles seuls mais accompagnés d’une proposition de services directement intégrés gage d’une expérience utilisateur réussie (recherche, contact, communication, partage, photo,….).

Android n’est pour le moment pas encore au niveau de l’iPhone en terme de fluidité ou d’intégration de l’interface mais je pense qu’avec le temps, il a tous les atouts pour le rattraper, voire le surpasser.

Si l’on regarde les autres compétiteurs avec ces critères (OS, écosystème, services), il n’y en a qu’un seul qui les réunisse tous : Microsoft (disclaimer : j’ai travaillé pour Microsoft en Business Development sur le secteur Telecom/Media mais je n’y suis plus depuis que j’ai lancé une startup FriendsClear). Malgré ces atouts, la partie n’est pas gagnée car Microsoft s’est fourvoyé sur Windows Mobile en sous-investissant l’interface utilisateur au détriment de fonctionnalités d’entreprise moins visibles (sécurité des connexions, gestion de parc, intégration au applications d’entreprise). Microsoft avait probablement le meilleur OS Mobile mais sur des points qui ne se sont pas révélés déterminant dans les choix utilisateur. Que vaut l’opinion du responsable de la sécurité informatique par rapport au PDG qui veut un mobile avec des applications qu’il peut enfin utiliser ? Microsoft a néanmoins compris la leçon, comme il l’avait compris précédemment sur les navigateurs contre Netscape. Windows Mobile 7 qui va sortir à l’automne 2010 a été reconçu pratiquement à partir de zéro avec le pari d’une interface utilisateur radicalement différente, tactile et contextuelle. Microsoft dispose aussi d’un énorme écosystème de développeurs et d’un infrastructure de service qu’il lui appartiendra de leverager autour de Windows Mobile 7. Si la décision se fait sur les applications, il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs dizaines de milliers de développeurs en interne chez Microsoft et que l’écosystème des développeurs d’applications Windows est le 1er du monde. Aucun constructeur ne dispose d’une telle capacité d’accélération sous le pied.

A coté, je ne vois guère que Nokia mais dont l’OS Symbian est d’une génération antérieure, qui bénéficie d’un écosystème et d’une plateforme de service OVI mais très en retrait avec les acteurs de tête. Et aussi sans stratégie réellement définie puisque Nokia se cherche aussi du coté des OS linux (avec Meego et Intel).

Blackberry est pour moi un cas à part. C’est un « category killer » qui s’est imposé comme le device puis le mobile du mail (vu les problèmes de paramétrage du mail que j’ai constamment rencontrés sur mes différents mobiles, je comprends qu’il y ait un marché pour une offre de ce type). Et qui, à mon avis, surfe aujourd’hui sur la transition des jeunes vers les échanges de type messagerie instantanée (vous ne vous êtes jamais demandé comment la moyenne mensuelle de SMS envoyé par personne s’établissait à plus de 100 SMS/mois ? C’est que les jeunes dialoguent couramment à raison de 100 SMS par jour au point de ne plus utiliser pratiquement la partie « voix » de leur forfait). Rien de mieux qu’un Blackberry pour écrire rapidement des SMS.

Je ne crois pas, à coté de cela, au développement des autres nouveaux OS mobiles (la plupart basés sur des noyaux linux similaires). Les fabricants de processeurs et de mobiles (comme Samsung avec Bada qui est sorti sur le Samsung Wave) savent peut-être développer des OS mais ne savent pas les faire évoluer et les intégrer dans une infrastructure et un écosystème d’applications et de services. Et au final, c’est de cela dont on parle et non pas d’une capacité à réaliser des interfaces ou à intégrer de beaux écrans. Ces OS « maison » auront surement une grande carrière pour les smartphones d’entrée de gamme quand tous les mobiles seront des smartphones mais dans le champ des applications, ils auront le plus grand mal à s’imposer.

Les fonctionnalités sexy (« tactiles ») vont inévitablement se trouver banalisées et il ne restera plus comme facteur différenciant que les applications (les « fonctionnalités » d’usage : à quoi me sert mon mobile à part téléphoner ?).

Et il ne faut pas se dire qu’il y en a déjà assez avec 185.000 applications sur l’AppStore ou 90.000 chez Android Market. Nous n’en sommes qu’au début et il y a encore beaucoup de besoins à couvrir. Comme le dit Apple dans ses très pertinentes publicités « une fonction, une application ». Il serait erronés de croire que les jeux sont faits. Beaucoup de nouveaux usages restent à développer avec les fonctions qui vont avec.

Parrot, un fabricant français de périphérique mobile, a sorti un hélicoptère miniature doté de capteur et que l’on pilote par iPhone. C’est la préfiguration des futures applications qui pourront interagir directement avec des devices physiques et dont le smartphone constituera l’écran unifié de pilotage (vieux rêve). Il y a aussi toutes les applications liées à la géolocalisation et à l’échange de données avec son environnement (autre vieux rêve du marketing et du CRM).

Il y a particulièrement deux applications que je rêverai d’avoir son mon smartphone :

  • La télécommande d’ouverture du parking de ma résidence : un gros bloc en plastique très pénible à trimbaler dont je me débarrasserais avec plaisir
  • La commande de régulation de mes radiateurs : j’ai 2 modèles (de 2 marques différentes); une complètement analogique avec des curseurs à régler, l’autre avec un affichage à cristaux liquides. Chacune vaut (quand même) un peu moins de 100€ (le développement durable n’est pas encore vraiment passé dans sa phase de démocratisation). Ces commandes sont, toutes les deux, des merveilles de non ergonomie utilisateur avec du non « plug and play » analogique, des modes d’emploi écrits sur des notices à médicament par des ingénieurs pour des ingénieurs, des réglages nécessitant plusieurs étapes mais dont l’avancement n’est pas matérialisé et qui se dérèglent sans qu’aucune notification se manifeste.

Lorsque ce type d’équipement aura une interface ouverte, il est possible que les applications correspondantes soient réalisées par des tiers (cela serait même plutôt souhaitable). Il serait ainsi envisageable d’avoir plusieurs programmes concurrents de pilotage du chauffage. Mais toujours est-il qu’il me parait fort peu probable que chacune de ces applications soient déclinées sur chacun des OS de chaque constructeur de mobile (sans compter les autres « tablets »). Le régulateur de chauffage sur Bada ne me parait pas pour demain. Il y aura forcement une concentration des développements sur un nombre limité de plateformes vu le profil technologique des firmes qui développeront. Et c’est sur cette richesse d’applications proposées (de vrais choses qui sont vraiment utiles) que se détermineront les futurs consommateurs.