Gannett : Retour d’expérience de mix « éditorial + user generated content »

Dans son édition papier d’aout 2007, le magazine Wired relate l’expérience et les résultats de la mise en oeuvre d’une stratégie éditoriale « User Generated Content » dans le groupe de journaux Gannett aux USA (« Breaking the News » par Jeff Howe, Wired 15.08 page 86).

Il n’y avait pas de marqueur pour renvoyer sur le site de Wired et je n’ai pas pu retrouver l’article sur le site. Ce qui est très énervant et montre que l’expérience cross-media est encore très très perfectible (euphémisme).

WIRED

 

Ce retour est intéressant pour valider l’intérêt du modèle editorial + user generated content notamment en le recoupant avec l’expérience de  USA Today évoqué dans un précédent billet.

 

Gannett a lancé le premier pilote de cette nouvelle formule en janvier 2007 avec un de ses journaux, le Cincinnati Enquirer, basé sur les principes directeurs suivants :

  • Impliquer le lecteur dans chaque aspect du processus
  • Adopter une vision « Hyperlocal » de l’information

Cette vision conduit aussi, bien entendu, à développer la composante internet liée au journal et à mieux faire jouer la complémentarité des deux medias.Le site web devient le media principal pour les informations, mises à jour en continu.

 

Impliquer le lecteur conduit à ouvrir des espaces d’expression et de contribution « user generated content » dans le site en s’appuyant sur les concepts de :

  • « Crowdsourcing » : les informations et les articles proviennent de la communauté des internautes (de la foule)
  • « Pro-am » : les internautes (amateurs) peuvent procurer des contributions de qualité professionnelle, plus pointues que celles réalisées par des journalistes, sur des sujets où ils sont experts.

Des points d’accès vers ces espaces sont présents dans la page d’accueil du site.

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Cela a conduit aussi le Cincinnati Enquirer a ouvrir un site dédié pour les mamans : cincyMOMS.

 

Au delà, impliquer le lecteur conduit à étendre le rôle du site internet non plus à la publication UGC mais en procurant :

  • Un référentiel de l’information locale permettant de structurer l’accès à un champ beaucoup plus étendu d’information (de l’emplacement des nids de poule aux salaires des fonctionnaires publics) renseignés notamment par les contributeurs externes (« Crowdsourcing » et « pro-am »)
  • Des outils pour permettre aux contributeurs externes de réaliser un travail de journalisme notamment en permettant de collaborer à plusieurs ou de faire appel à d’autres experts sur des enquêtes. L’exemple d’une affaire de raccordement d’eau surpayée est citée ou l’ensemble des documents collectés (comptabilité, plans,…) ont été postés sur le site du News-Press de Gannett (Fort Myers Florida) et examinés par une équipe organisée de lecteurs (ingénieurs, consultants, comptables,…).

Les contributeurs leaders sont rémunérés mais cela est secondaire dans leur motivation (« Mitchell is a discussion leader…she gets paid $25 a week…I’d probably do it for free…it’s so addictive » extrait de Wired cité plus haut).

Les contributeurs ne remplacent pas les journalistes mais leur contributions entrent dans la nouvelle salle de rédaction électronique qui est ouverte : Information Center. Les journalistes gardent la main sur le processus de sélection et de publication.

De nouvelles sections ont été crée notamment « First Person » qui présente des souvenirs (l’innondation de 1937) et qui n’auraient pas été envisageables avec des journalistes.

 

L’aspect « Hyperlocal » constitue un développement d’une tendance déja engagée. Gannett est passé sur Cincinnatti de une à 270 publications (publications de centre ville, banlieu,régional, sites web, club de sport section enfants,…).

 

En terme de résultat, l’audience du cincyMOMS, crée ex-nihilo, est de 1,2 millions de pages vues par mois et elle a amélioré la pénétration sur les segments où l’Enquirer était faible (jeunes femmes, 18-24 ans). L’audience de l’Enquirer a progressé de +38% et +25% pour les autres sites soeurs de Gannett

Le cincyMOMS avait pour objectif de réaliser 200.000 $ de CA la première année. Il en a réalisé 386.000 $ les 6 premiers mois.

Une majorité des annonceurs de l’Enquirer ont suivi mais plus de la moitié des annonceurs au cincyMOMS sont nouveaux.

39 autres « moms sites » sont en cours de lancement au sein des autres journaux du groupe Gannett.

Des synergies font jour dans les deux sens; les internautes lisent plus l’édition papier et un autre site, l’IndyMOMS, rattaché à l’Indianapolis Star, a lancé un magazine mensuel avec les meilleures contributions web.

Des « packages » publicitaires ont été développés, notamment pour les petits annonceurs, englobant journaux + sites web de proximité. Le système est beaucoup plus attractif que précedemment pour les petits annonceurs de « local business » qui ne sont que 25% à faire de la publicité dans les journaux. Le The Des Moines Register a enregistré, depuis mars 2007, date de lancement de sa nouvelle offre, une augmentation de 44% de ses publicités largement due à 184 nouveaux annonceurs majoritairement « local business ».

 

Au USA en 2006, la publicité sur les sites web des journaux a augmenté de 31% soit un gain de 630 M$ tandis que la publicité dans la presse écrite chutait de 2% soit 797 M$. L’équation globale est encore négative mais très proche de s’équilibrer.

Le modèle est cependant radicalement différent car un abonné papier représente 350$/an de CA alors qu’un abonné web représente de 35 à 53$/an de CA.