Considérations sur les communautés

J’ai eu une discussion très fructueuse avec Christophe Ducamp sur la notion de communauté.

Communauté est probablement le mot actuellement le plus utilisé entrainant à sa suite des termes tels que « user generated content » et participatif, web 2.0 étant plutôt sur le retour. « Il faut créer une communauté », « développer une dynamique communautaire », « intégrer une dimension communautaire transversale » sont des expressions communément utilisées dans les pitchs des sites et services internet.

Une communauté procure, à travers la participation des internautes, différents avantages :

  • Elle constitue un attracteur d’audience pour l’ensemble des internautes même si l’implication réelle de ceux-ci est restreinte à un petit nombre (c’est l’architecture de la participation cf note précédente : 1% contribuent par des contenus, 10% réagissent par recommandations, évaluation, caractérisation (tag) et 90% consomment « passivement »).
  • Elle est génératrice d’une animation continue de par l’activité des membres.
  • Elle modifie la position et l’état d’esprit de l’internaute en le rendant ou en lui donnant la possibilité d’être actif, de passer d’une logique de consommation d’un media ou service à une logique de « maîtrise », de « prise en main » de ce media ou service (là encore, même si, dans les fait, seule une minorité l’utilise, tous les internautes peuvent le ressentir néanmoins).
  • Elle développe une implication affective et le sentiment de « solidarité » des « membres » de la communauté. Sentiment plus difficile à créer aujourd’hui avec l’éparpillement des audiences et profils.
  • Elle procure assez naturellement des instruments de promotion par viralité en s’appuyant sur les réseaux sociaux des membres (échanges par mail ou messagerie instantanée, insertion de fonctions de communication, intégration de liens externes, possibilité de diffusion par RSS, utilisation de notion d’identité ou de profils,…).

Le paysage actuel des communautés fait apparaître différents stades de maturité :

  • Des acteurs importants ont déjà investi le domaine des communautés généralistes (MySpace, Facebook, mais aussi YouTube, DailyMotion ou encore Messenger, Habo Hotel,…). Leur position les rend les plus aptes à capturer la croissance du marché et une dynamique de consolidation est déjà à l’œuvre.
  • Les communautés spécialisées présentent des acteurs de premier plan (Linkedin, Viadeo, mais aussi Meetic,…), encore en phase bourgeonnement.
  • Les communautés verticalisées sont en émergence (un bon exemple est constitué par Sermoune communauté de médecins qui s’échangent des conseils sur les diagnostics).
  • Les sites traditionnels commencent à s’adjoindre des communautés, à commencer par les medias aux avant-postes de la dynamique « user generated content ».

Comment caractériser une communauté ?

3 éléments me semblent devoir être présents pour parler de communauté :

  • Un objet (une thématique)
  • Des personnes
  • Un lien entre les personnes et l’objet de la communauté.

La communauté peut se former à partir de chacun de ces éléments :

  • Objet : Le sujet de la communauté attire une audience qui y porte un intérêt. Cette audience développe une solidarité entre les membres basée sur cette affinité commune pour l’objet. Exemple : Myspace avec les groupes de musique.
  • Personne : Les internautes créent ou portent leur réseaux de connaissances ou une partie de celui-ci dans la communauté. La proximité sociale de l’ensemble des personnes leur permet de partager et faire émerger des thèmes dans la communauté. Exemple : Facebook avec les étudiants.
  • Lien : La communauté se crée à partir d’un dispositif d’animation qui permet de regrouper personnes et objets. Exemple : Evénements locaux avec Peuplades ou outil de communication avec Messenger.

Il est bien sur possible de mixer les modèles.

A partir de ce processus de création, deux types de communauté me semble devoir être distinguées dans la nature des interactions qui s’y développent :

  • Communauté de partage, de profil (type 1)
  • Communauté de contenu, d’animation (type 2)

Dans le type 1, la communauté ne porte pas nécessairement d’échange, de production de contenu, d’événement, ni de solidarité particulière. Elle se crée sur la proximité de profil ou d’intérêt et elle se base sur une logique de partage d’information ou de facilitation d’intermédiation dans une logique « win-win » assez consumériste. Elle est assez proche d’un réseau social mais fonctionne de manière ouverte sur une base déclarative de son profil.

Dans le type 2, la communauté porte une logique d’animation, de rassemblement, de mobilisation d’énergie sur des initiatives, des projets, des contenus, des événements, des actions, des dialogues,…

3 logiques de développement de communauté sont identifiables :

  • Développer un site communautaire en propre
  • Développer un site communautaire dans une plateforme communautaire existante : un site dans MySpace, Facebook,…
  • Développer un service communautaire en s’appuyant sur les briques de plateformes communautaires dans une logique de « services composites » : contacts de Facebook, fonctions de communication de Messenger, localisation et cartographie de Google Maps ou Virtual Earth,…

 

Par exemple, si l’on considère une communauté sur l’information locale en reprenant notre grille de lecture :

  • Objet : Les informations pratiques locales sur les commerçants, les services, les événements,…
  • Personne : Les personnes résidant dans la zone géographique
  • Lien : Toutes les actions d’animation locale généralement diffusées ou animées par les media locaux, les services d’information locaux (mairie, centres culturels,…), les associations,…

La logique de la communauté apparaît être plutôt de type « consumériste » de partage d’information sur la base d’une affinité géographique.

Le problème essentiel, dans ce cas, repose sur l’initialisation du service. Le critère géographique est plus un critère divergent que convergent et comme 90% des personnes consomment plutôt qu’elles ne contribuent, la communauté ne peut se construire qu’en complément :

  • d’un service d’information existant (de type Pages Jaunes) (une couche de recommandation complémentaire)
  • d’un service de profil de type réseau social (quels sont les restaurants qu’apprécient les personnes de mon réseau social ?)
  • d’un service de lien : par exemple Peuplades offre la possibilité de se retrouver pour des activités communes, de rechercher des personnes pour des services,…

La mise à jour et l’enrichissement du service sont aussi essentiels car ce seront eux qui détermineront l’attractivité de la communauté. Eu égard à la multiplicité des catégories concernées (restaurant, services collectifs, services de proximité, activités culturelles,…. ), la multiplicité des modes de collecte des retours et recommandations de l’internaute dans l’ensemble des contextes où celui-ci les livre est recommandé. Ce qui pousse à une forme de syndication ou d’agrégation de ces multiples communautés fédérées.

La logique de développement qui se dégage est de type « service composite » construit sur la base de plusieurs services fédérés. Par exemple, un service d’annuaire de type Pages Jaunes (objet), un réseau social local (personne) et un site de media local (lien).

Mais ceci constitue une réflexion « in abstracto ». Les stratégies des acteurs ne les poussant pas forcement à s’allier. Chacun pouvant avoir sa carte à jouer, notamment dans un marché encore en émergence.