J’ai assisté à différentes présentations, très intéressantes par ailleurs, lors du Barcamp Paris du 23 juin à la Maison des Sciences de l’Homme.
Les principaux points de réflexion qu’elles m’ont inspirées sont les suivants :
1 – Les banquiers ne parlent pas d’argent. Cela peut paraître étonnant mais les banquiers ne parlent que de l’argent en tant que tel, celui qu’ils vous prêtent ou qui est mouvementé sur vos comptes mais pas des différentes utilisations que vous en faite. Ils n’apportent pas de conseil sur la manière de gérer son argent, de le dépenser, de réaliser un budget ou de savoir comment acheter ou alors de manière très marginale (des conseillers spécialisés dans ce domaine existent par exemple le programme « Finance et pédagogie » à la Caisse d’Epargne pour les personnes surendettées). Vous avez aussi remarqué qu’il n’y a généralement pas de blog sur les sites des banques. Cette situation laisse un large champ ouvert aux services communautaires bancaire comme Wesabe ou les « debt blogs » américains. Signalons aussi l’existence du site « La Finance pour tous » qui se veut pédagogue dans le domaine.
2 – Les motivations des prêteurs dans les prêts de particulier à particulier sont de deux sortes :
– Obtenir une rémunération supérieure en réduisant la marge de d »intermediation traditionnellement assurée par les banques par une mise en relation directe des emprunteurs et prêteurs (le modèle de Zopa – banque « low cost »)
– Satisfaire des besoins « sociaux » de décider personnellement de l’affectation des sommes prêtées ou de la proximité sociale des emprunteurs (modèle de Prosper – système de marché / enchère + communauté)
3 – La question du « contrôle social » de l’affectation des sommes et de l’accès aux informations personnelles permettant d’établir la réputation (le niveau de risque) d’un emprunteur dans le modèle de banque « communautaire » ont été identifiés comme des points potentiels d’achoppement. Néanmoins :
– Prosper apparaît plus comme un système d’enchère avec une régulation par le taux offert qu’un système de filtrage social. La « pression sociale » s’exerce plus au niveau du maintien de la réputation au sens de « scoring positif » (non défaillance).
– Certaines populations, notamment les bloggeurs, acceptent facilement de mettre à disposition des informations largement accessibles
4 – Le cautionnement apparaît comme un mécanisme très puissant dans le prêt de particulier à particulier, beaucoup plus que dans un prêt classique ou il est assimilé à un frais annexe comme l’assurance. Les forains, par exemple, utilisent couramment le cautionnement solidaire de l’ensemble de la communauté pour obtenir des prêts.
5 – Les freins au credit de particulier à particulier en France sont de trois natures (sources et détails sur le blog « Banque n+1″ de Jean-Christophe Capelli)
– La réglementation : plus contraignante en France et surtout plus complexe à appréhender (notamment la multiplicité des autorités : commission bancaire, autorité des marchés financiers,…) « à la française ».
– Le taux d’usure strictement limité en France qui ne permet donc pas de jouer pleinement le rôle de solvabilisation du risque (aux USA les prêteurs les plus risqués peuvent emprunter à des taux allant jusqu’à 25% alors qu’en France le plafond se situe dans les 8-10%).
– Le mouvement consumériste très actif en France et culturellement hostile à l’endettement. La mécanique du prêt de particulier à particulier nécessite d’ailleurs une pédagogie spécifique pour bien expliciter le risque pris par les emprunteurs. Il serait dommage qu’un acteur ayant franchi la barrière de la réglementation se fasse lyncher par ses clients auxquels il n’aurait pas expliqué explicitement les risques qu’ils prenaient (situation fort probable étant donné la complexité des mécanismes de prêt P2P et la faible propension générale à la pedagogie client).
6 – Quelques services intéressants évoqués :
– LendingClub est un service de prêt de particulier à particulier développé sur la communauté préexistante de FaceBook qui veut devenir une « plateforme sociale ».
– I-transfert est un service de transfert d’argent inter-pays via téléphone (vocal) développé par la Société Générale qui cible les migrants. Il allie une double innovation. D’abord dans l’interface utilisateur afin de faciliter l’accès et l’utilisation du service à des migrants peu technophiles (ils sont migrants mais pas encore « digital migrants ») – l’utilisation du service concurrent le plus proche Western Union sur internet apparaît hors d’atteinte de ces populations. Ensuite dans le marketing du service qui inclut l’ouverture de comptes de transfert à l’étranger, le transfert de l’argent à l’étranger commandé par téléphone et la mise en place de règles de mise à disposition de l’argent sur le compte à l’étranger (montant du retrait par période de temps, part épargnée,…) afin de répondre à l’ensemble des besoins de bout en bout.
– La Caisse d’Epargne a aussi mis en place un système de paiement par SMS (Movo) mais sans marketing des usages.
– Behoz est un système d’identification fort à base de certificats non répudiables associés à la carte SIM et au code PIN du téléphone. L’idée est de proposer de saisir l’équivalent de son code de carte bancaire sur son téléphone. D’autres acteurs avancent sur des solutions de ce type que ce soit les banques et les opérateurs telcom (cf l’expérimentation du Credit Mutuel avec SFR) ou les éditeurs logiciels (par exemple Microsoft avecCardspace qui est décliné sur des scénarios de sécurisation des transactions sur mobile).