Ce billet est la reprise d’un article publié initialement dans QG-Numérique :
http://www.qg-numerique.org/fr/innovation/tribunes/356-la-revolution-du-financement-participatif
Née dans la deuxième moitié des années 2000, la finance participative qui permet de financer des projets en direct auprès d’un grand nombre de personnes (« crowdfunding ») est devenue maintenant un phénomène significatif dans le monde anglo-saxon avec des services tels que Kiva (300 M$ de prêts accordés depuis 2005 par 750.000 internautes), Lending Club (40 M$ de prêts / mois à mars 2012), Prosper (12 M$ de prêts/mois), Zopa (10 M£ de prêts / mois) ou encore Kickstarter (150 M$ de collecte prévue sur 2012).
Convaincu de ce potentiel, le gouvernement américain vient d’introduire dans la loi JOBS Act (Jump Our Business Startup), la levée des contraintes réglementaires sur le crowdfunding pour favoriser le financement des startups et projets créateurs d’emplois.
Bien qu’avec un temps de retard, le mouvement touche l’ensemble des pays du monde où des versions locales des services de crowdfunding se développent. C’est aussi le cas de la France où, à la suite de MyMajorCompany, pour le financement en coproduction d’artistes, se sont développés des services comme Babyloan, MicroWorld (prêts sans intérêt), Ullule, KissKissBankBank, Babeldoor (financement contributif), FriendsClear (prêts avec intérêt) ou Wiseed, Finance Utile (financement en capital) et beaucoup d’autres…
Le financement participatif est fondamentalement novateur car il procède d’une triple évolution : technique, sociétale et financière.
Evolution technique d’abord car son développement est lié à la capacité de diffusion et d’échange apportée par l’extension d’internet. Précédemment, seuls les titres de presse possédaient la capacité de récolter des fonds de montant unitaire faible mais auprès d’un grand nombre de personnes par « souscription publique ». La collecte de financement pour des projets de petite taille était sinon restreinte à des cercles proches, familiaux, amicaux ou communautaires (« love money »). Internet permet de mettre en contact des porteurs de projets et des personnes intéressés à les soutenir dans une sphère numérique qui s’étend maintenant aux dimensions de la planète entière. Internet apporte aussi des possibilités de mise à disposition et de partage d’une masse accrue d’information sur les projets, de consultation à n’importe quel moment et de suivi dans le temps des projets ainsi que d’interactions démultipliées au sein de cette communauté.
Evolution sociétale ensuite car, au-delà des possibilités techniques, c’est l’adoption des usages qui prime. Les activités de financement sont parmi les plus « sensibles » à réaliser de manière virtuelle car elles nécessitent d’établir un lien de confiance. Force est de constater qu’internet est maintenant utilisé de manière courante par l’ensemble des tranches de la population, dans un nombre croissant de pays du monde et pour des opérations de plus en plus sophistiquées comme les opérations financières. Evolution qui se traduit aussi par un autre aspect important de l’implication croissante dans les communautés et les réseaux sociaux et l’acceptation croissante à exposer des informations personnelles. Phénomène parfaitement illustré par la croissance exceptionnelle de Facebook qui compte aujourd’hui 850 millions de membres avec des niveaux d’activité élevés (50% des utilisateurs se connectent une fois par jour et l’utilisateur moyen est connecté à 80 pages, groupes ou événements).
Evolution financière ensuite car la finance participative adopte un modèle radicalement différent de la finance traditionnelle. Cette dernière est basée sur la « massification » entre les flux collectés et les projets financés. Cette massification a des avantages : elle joue un rôle de transformation entre des petits montants collectés et des gros montants financés, entre des dépôts de court terme et des financements de long terme, entre des collectes avec un faible niveau de risque et des projets à fort niveau de risque. Elle a aussi des inconvénients : manque de transparence et de traçabilité des fonds apportés, absence de contrôle de l’affectation des fonds, coûts d’intermédiation importants et faible personnalisation des produits proposés. La finance participative est fondée sur le modèle inverse : transparence de l’affectation des fonds (les projets sont visibles comme les montants collectés par chaque projet et les contributions unitaires), choix des projets et traçabilité des montants affectés.
Ces principes fondamentaux se déclinent en une grande variété de modèles :
– Le financement contributif (Kickstarter, IndieGoGo and RocketHub, Ullule, Babeldoor) permet de financer de manière philanthropique un projet en échange de rétributions souvent symboliques mais qui peuvent aussi s’apparenter à de la pré-commande.
– Le prêt sans intérêt (Kiva, Babyloan, MicroWorld) permet de financer des projets auprès d’Institution de Micro-Finance dans les pays en voie de développement ou plus récemment des projets locaux de personnes dans des situations de réinsertion ou d’exclusion.
– Le prêt avec intérêt (Lending Club, Prosper, Zopa, FriendsClear, Smava) permet à des investisseurs de prêter en direct à des projets qu’ils peuvent sélectionner selon leurs caractéristiques (risque, rendement mais aussi type de projet, secteur d’activité, localisation, profil du porteur de projet, etc…) et percevoir en retour les intérêts du prêt.
– La coproduction (MyMajorCompany, Sellaband,…) permet de sélectionner l’artiste à financer et d’être associé à son succès via des clauses de reversements sur le chiffre d’affaires généré.
– Le financement en capital (Wiseed, SeedUps,…) permet d’abaisser le mécanisme de l’investissement en capital risque dans des startups à des investisseurs plus nombreux et apportant des montants unitaires moins élevés.
La finance participative permet ainsi de toucher de nouveaux types de projets à financer qui ne l’auraient pas été par la finance traditionnelle, notamment des projets de petite taille ou ne répondant pas aux critères standards (projets innovants, solidaires, portés par des porteurs de projet atypique, en phase amont d’amorçage,….).
Elle permet d’impliquer, de donner le contrôle et de rendre acteur des décisions de financement un grand nombre de contributeurs de petits montants.
Aujourd’hui et grâce à l’investissement du grand public français (environ 35 000 internautes solidaires), les plateformes de crowdfunding françaises ont permis de réunir plus de 6 millions d’encours cumulés permettant le soutien de près de 15 000 porteurs de projets en France et partout dans le monde. Elles affichent des taux de croissance de 100 à 200% par an.
Bien plus qu’aux Etats-Unis, des contraintes réglementaires entravent le développement de la finance participative en France (collecte et conservation des fonds, « syndication » pour regrouper les contributeurs par projets, lourdeur des règles d’appel public à l’épargne,…) car la réglementation a été élaborée dans un contexte où celle-ci n’existait pas.
Les prets sans interets sont certes interessants et permettent de faire un bond pour le preteur. Cela semble pouvoir aider a la creation d’emplois dans le monde des PME.
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